Poème collectif : La montée des anges mûrs
Samedi 18 mai dernier, à l’occasion de la journée européenne des musées, j’ai animé un atelier poétique au musée d’art et d’histoire Paul Eluard de Saint-Denis. Le résultat de cet atelier, c’est un poème collectif que j’ai structuré en agençant diverses phrases et vers produits par les participant(e)s.
Publié le 18 juin 2024
Le poème figurant dans cet article résulte d’une expérience créative et déambulatoire que je propose régulièrement au musée d’art et d’histoire Paul Eluard de Saint-Denis. Il s’agit d’un parcours sur le thème de la poésie de forme brève, suivi d’un atelier d’écriture nourri par les sentences du musée Eluard. Ce musée municipal et méconnu s’est installé en 1981 dans un ancien couvent de carmélites, ces religieuses qui avaient inscrit aux murs du monastère des sentences tirées des Écritures saintes censées les aider à méditer au quotidien.
Le 18 mai dernier à 18h30, une vingtaine de personnes s’étaient rendues à l’ancien cloitre de carmélites de Saint-Denis, qui abrite désormais le musée de la ville, pour suivre le parcours que je proposais. En l’espace de 2 heures, il s’agissait d’abord de se familiariser avec la démarche poétique d’Eluard et l’histoire du musée, ensuite d’en arpenter les allées en quête de sentences mystiques, enfin de participer à un atelier d’écriture visant à détourner les sentences en question. Si bien qu’au terme de cette déambulation créative, j’ai recueilli auprès de chaque participant(e) une citation, un vers ou une phrase visant à reprendre ou à détourner une ou plusieurs phrases lisibles sur les murs du couvent. Peu après, j’ai agencé en unique poème collectif leurs contributions respectives, ces précieuses trouvailles en général laissées telles quelles, sauf cas rares où j’ai à peine modifié la syntaxe ou raccourci les vers, en sollicitant alors leur indulgence.
Ce poème prolonge celui déjà mis en ligne dans l’article publié en mai dernier sur ce couvent de carmes du 17e siècle qui abrite aujourd’hui le musée de Saint-Denis, ainsi que l’enquête poético-géographique que j’avais menée sur l’enfance de Paul Eluard à Saint-Denis et dans le quartier parisien de La Chapelle.
Bonne lecture !
Julien Barret dans les jardins du musée d’art et d’histoire Paul Eluard de Saint-Denis ©Cassandre Lavoix
L’atelier poétique du 18 mai 2024 au musée d’art et d’histoire Paul Eluard de Saint-Denis @Cassandre Lavoix
Poème de la montée des Anges mûrs
Un grand silence
enfile
un gant de silence
en fête
Spectacle :
la montée des anges mûrs
“T’as beau voir la belle
les abrutis n’y voient que des causes”
Des anges montent
surmontent
murmontent
Je fais entrer les fruits dans le caramel
pour les manger
et rassasier les enfants d’Olivier
sur la table des seigneurs
Toute la vie du juste est une fête
pour toujours
Un enfant sera éternellement injuste
juste en riant
en tombant
Si je plaisais encore aux hommes
je ne serais pas le serviteur du cri
Le Christ ne me prend pas pour serviteur
parce que les hommes m’aiment trop
***
C’était une blanche colombe
qui faisait son nid
au creux d’un arbre noir
On disait :
Nul ne peut s’humilier ici
s’il ne peut vivre de tout cœur pour
Dieu
Alors elle se réconfortait
comme elle pouvait :
Courage, mon âge, le temps est court !
En regardant la route
j’oublie les fatigues du terme
Maintenant que sa chair est littérature
et son sang transfiguré
par le prochain breuvage
Elle entend les murmures depuis le Mont des Anges :
“Que votre modeste vie soit
commune à tous les hommes.
Ils vous soulageront de la tortue”
Mais moi
Je travaille pour l’éternité
Je suis le premier des derniers
Le dernier des premiers
Ils m’ont donné un bateau pour voyager
ils m’ont abreuvé d’une vie aigre
comme vin passé
Je vis dans l’éther
nid de ce que j’ai été
où le train veille
sur les terres quittées
Lettres françaises en ruines
Glanent à Oradour des maux râles
***
Sur la vitre des surprises
liberté j’écris ton nom
surpris sur la vitre
Sur mes cahiers d’écolier
liberté
j’écris ton nom
Sur la vitre de côté
liberté
je vois ton nombre
La montée des anges
C’est un grand silence
en fait
Merci aux 19 participant(e)s, poètes et poétesses, en herbes & en murs, d’avoir contribué à faire de ce poème un objet tangible, lisible et suggestif.
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