L’atelier de la rue du Château,
haut lieu du Surréalisme
Entre 1923 et 1928, Marcel Duhamel, futur créateur de la Série Noire, héberge ses amis Jacques Prévert et Yves Tanguy, ainsi que leurs compagnes, dans ce pavillon qu’il a réhabilité. Un lieu mythique qui vit passer tous les Surréalistes et où serait né le cadavre exquis.
Publié le 1er juillet 2017
L’atelier du 54 rue du château, Paris 14e, fait partie de ces adresses mythiques de l’histoire de l’art. Jacques Prévert et le peintre Yves Tanguy, qui s’étaient rencontrés pendant leur service militaire, vivaient avec leurs compagnes dans cette « luxueuse maison édifiée par les soins de Marcel Duhamel ». « C’était très agréable à vivre et beaucoup de gens passaient là », se rappelle le poète au micro de Jean-Marie Drot en 1960. Marcel Duhamel, traducteur, éditeur et futur créateur de La Série noire, avait fait la rencontre de Prévert et Tanguy lors à l’armée d’Orient. Il loue en 1923 ce pavillon d’un étage, « une toute petite bicoque de marchand de peau de lapin » selon Prévert, avant de la transformer en une demeure bohème et accueillante. Dès qu’il avait un moment, il quittait le grand hôtel qu’il gérait – l’hôtel Grosvenor rue Pierre Charron, puis l’hôtel Ambassador, boulevard Haussmann – pour rejoindre le petit hôtel de ses amis. Vers 1925, Prévert et Tanguy croisent par hasard Robert Desnos dans un café de Montparnasse : ça y est, la connexion est faite avec le groupe surréaliste !
Dans Hebdromadaires (1972), Prévert se souvient : « Breton disait de la rue du Château qu’il n’avait pas vu pareille atmosphère de liberté… Il y avait un peintre, Yves Tanguy qui n’avait jamais peint, un mécène, Marcel Duhamel, qui était alors directeur d’hôtel, et moi qui ne foutais rien. » On y trouve « le véritable alambic de l’humour au sens surréaliste », confie Breton dans ses Entretiens.
C’était un atelier, un phalanstère, une maison ouverte à tous vents, aux artistes et aux chats… Giacometti, Desnos, Breton, Queneau y passaient, Benjamin Peret, puis Aragon y ont vécu. Beaucoup de réunions surréalistes s’y sont tenues et c’est là que Prévert aurait donné au jeu des petits papiers le nom de « cadavre exquis ». A moins, à en croire Henri Béhar dans sa biographie André Breton, le grand indésirable, que la découverte n’ait été faite chez Breton, lors d’une « soirée où la rue du Château [s’était] transportée rue Fontaine ». L’atelier ressemblait de l’extérieur au Château tremblant au canal de l’Ourcq, également démoli au moment où parle Prévert, lorsqu’il est interviewé par Jean-Marie Drot dans les Heures chaudes de Montparnasse.
Si les trains passent aujourd’hui sous la rue du château, dans les années 20 ils passaient au-dessus, sur un pont. Cette portion de la rue a disparu, elle est devenue la place des Cinq-Martyrs-du-Lycée-Buffon, contemporaine de l’ensemble Maine-Montparnasse qui recouvre la gare et mitoyenne de la place de Catalogne. On imagine l’ancien atelier de Prévert et Tanguy dans l’ouverture donnant sur les rails, serré entre le bâtiment de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, de type néo-hellénique grandiloquent, et celui de CNP Assurance à la façade de verre miroitant.
Je n’ai pas retrouvé de photos du lieu lui-même, mais peut-être que celle où l’on voit Jacques Prévert, sa femme et son frère Pierre entourant André Breton aux alentours de 1925 y a été prise (trouvée sur le site marcel-carne.com). En revanche, mes recherches m’ont amené découvrir deux photos anciennes de la rue du Château, telle qu’elle était au tout début du siècle, bien avant la construction de l’actuelle gare Montparnasse. J’ai retrouvé la première, prise depuis la passerelle surplombant le passage à niveau, dans la collection de cartes postales anciennes de Jean-Louis Celati, et la seconde, où l’on distingue la passerelle sur la droite, dans un Bulletin de la Société historique et archéologique du 15e.
PS : En feuilletant le livre Jacques Prévert, l’humour de l’art (Naïve, 2007), j’ai finalement découvert en mai 2018 une photo de Jacques Prévert posant devant la grille de la rue du Château (ci-dessus). Auteur inconnu (D.R.), tout comme la photo des frères Prévert avec Simone Prévert et André Breton.
Samedi 24 juin 2023 à 14h30, nous collons une plaque de rue illustrée de Jean-François Caillarec pour honorer le 54 de la rue du Château, adresse mythique de l’histoire de l’art.
Merci d’avoir pris la peine de mettre cette annonce au bas de cet article, et bravo pour cette initiative. Hasard objectif ou non, je ne pourrai hélas m’y rendre car je serai en train d’animer un parcours poétique consacré à Eluard au musée de Saint-Denis : https://exploreparis.com/fr/6307-sentences-proverbes-et-punchlines-parcours-poetique-au-musee-dart-et-dhistoire-paul-eluard.html
Effectivement c’étaient assez spécial la rue du château il y avait le chemin de fer qui passé en dessous , avec mes parents Ont allaient ensemble assister pour le 14 juillet pour le feu d’artifice vue imprenable Vers 1960 des souvenirs magnifiques.
Merci beaucoup pour votre témoignage qui donne une couleur vivante et un peu de chair à cet article !