Enquête poétique sur les pas d’André Breton à Pantin
« L’esprit qui plonge dans le surréalisme revit avec exaltation la meilleure part de son enfance »
André Breton, Manifeste du surréalisme de 1924
C’est peu connu : André Breton, théoricien du surréalisme, a passé sa jeunesse à Pantin. Samedi 26 mars et samedi 9 avril 2022, je proposais deux ateliers d’écriture en mouvement sur les traces du poète, à la fois exploration psychogéographique et relecture urbaine de sa poésie. C’était aussi une façon de faire partager à des personnes curieuses et inspirées mes recherches sur les aubes qui ont baigné son regard. Le point sur ce chantier qui envisage la vie parisienne de Breton à l’aune de son enfance pantinoise.
Publié le 16 avril 2022
On connaît bien peu de choses de l’enfance d’André Breton à Pantin. Lui-même, d’ailleurs, n’en a presque jamais parlé, ni dans ses entretiens, ni dans ses œuvres – en dehors de quelques poèmes-collages et récits automatiques. Peut-être ce silence s’explique-t-il d’abord, comme me le confiait son biographe Henri Béhar, parce qu’il conservait de mauvais souvenirs de son enfance. Et qu’il était, contrairement à ce que l’on peut penser de celui auquel colle toujours l’image d’un pape prompt à révoquer ceux qui ne souscrivaient plus à son credo, un jeune homme timide.
En 2015, j’ai appris que Breton avait vécu, entre 6 et 17 ans, au croisement de la rue Montgolfier et de la rue Étienne-Marcel, à moins de cinquante mètres de là où j’ai moi même passé les dix premières années de ma vie. C’est en raison de ce « hasard objectif » que j’ai décidé d’entreprendre une recherche qui démarre sur les lieux mêmes de son enfance – et, accessoirement, de la mienne.
Appartement de la rue de Paris (actuelle avenue Jean-Lolive) où la famille habite de 1900 à 1902
École religieuse Sainte-Elisabeth, 5 rue Thiers (aujourd’hui 5 rue Condorcet), où le jeune André est inscrit entre 1900 et 1902
La famille habite 26 rue Etienne-Marcel de 1902 à 1906
La famille vit au 33 rue Etienne-Marcel de 1906 à 1913
De 1913 à 1918, la famille est installée 70 route d’Aubervilliers (aujourd’hui 70 avenue Édouard-Vaillant)
Ecole de la mairie (aujourd'hui école Sadi-Carnot), où Breton étudie de 1902 à 1907
Cimetière parisien de Pantin, où, selon une légende, résident les restes de Lautréamont
Appartement de la rue de Paris (actuelle avenue Édouard-Vaillant)
École religieuse Sainte-Elisabeth, 5 rue Thiers (aujourd’hui 5 rue Condorcet)
26 rue Etienne-Marcel (de 1902 à 1906)
33 rue Etienne-Marcel (de 1906 à 1913)
de 1913 à 1918, la famille est installée 70 route d’Aubervilliers (aujourd’hui 70 avenue Édouard-Vaillant)
Les adresses pantinoises de Breton
Si André Breton est né en 1896 à Tinchebray dans l’Orne, sa famille arrive en 1900 à Pantin pour suivre le père qui travaille dans une cristallerie. D’abord, les Breton emménagent dans un appartement de la rue de Paris (actuelle avenue Jean-Lolive) qui prolonge l’avenue Jean-Jaurès, et au-delà, la rue Lafayette, si essentielle dans son œuvre. Il est alors à l’école religieuse Sainte-Elisabeth, 5 rue Thiers (aujourd’hui 5 rue Condorcet), à côté de la cristallerie où son père est employé.
Ensuite, le jeune André va vivre dans deux immeubles voisins, 26 rue Etienne-Marcel de 1902 à 1906, à l’angle de la rue Montgolfier, puis de 1906 à 1913 au 33 rue Etienne-Marcel. Il est scolarisé à l’école de la mairie, aujourd’hui école élémentaire Sadi-Carnot, de 1902 à 1907. En 1907, il entre comme demi-pensionnaire au collège-lycée Chaptal, boulevard des Batignolles. Enfin, de 1913 à 1918, la famille est installée 70 route d’Aubervilliers (aujourd’hui 70 avenue Édouard-Vaillant), à quelques mètres à peine du carrefour si magnétique des Quatre Chemins, où se côtoient aujourd’hui près de 150 ethnies.
De nos jours à Pantin, seule une minuscule salle municipale rend hommage à Breton. Dérobée au regard à l’ombre d’un grand centre commercial, elle s’adosse à la Maison de la justice et du droit, au 25 rue du Pré-Saint-Gervais (cf. la photo à la porte rouge).
J’ai grandi à côté de là où vivait Breton
Lorsque je pense à mon enfance pantinoise, j’ai toujours en mémoire certains mots d’Aragon dans Le Paysan de Paris :
« Métaphysique des lieux, c’est vous qui bercez les enfants, c’est vous qui peuplez leurs rêves ».
Il y a sept ans, j’ai appris que Breton avait vécu à Pantin, en particulier au 33 rue Étienne-Marcel, dans cet immeuble faisant l’angle avec la rue Montgolfier qu’il m’est souvent arrivé de fixer, intrigué, sans bien savoir pourquoi, et qui se situe à 50 mètres de la maison où j’ai grandi, 21 rue Cornet, jusqu’à l’âge de dix ans.
En revenant sur les lieux de mon enfance, à vingt ans, j’ai fait l’expérience d’un sentiment de déjà-vu assez vertigineux en contemplant le coin de ce bâtiment dont je ne savais pas encore qu’il était celui où avait vécu Breton. Je n’arrivais pas à faire correspondre mon souvenir avec l’immeuble que j’avais sous les yeux, comme lorsqu’on observe une même situation de deux points de vue distincts, ou que l’on découvre, adulte, des lieux qui enfant nous paraissent immenses. Ici, il est peut-être opportun de parler de hasard objectif, cette manière qu’a Breton d’observer les faits marquants et hasardeux de son existence, pour leur donner une signification poétique et existentielle – notion que Breton aurait empruntée, selon Georges Sebbag, non à la philosophie allemande mais à la Théorie de l’invention de Paul Souriau. Pour faire surgir le hasard objectif, on peut analyser des des motifs, provoquer des rencontres, ou se montrer sensible à certains agencements de l’espace prompts à créer un frisson dans lequel Aragon décèle la marque du merveilleux quotidien.
En songeant au quartier qui environnait dans mon enfance le carrefour de la rue Étienne-Marcel et de la rue Mongolfier, je me rappelle aussi ce sentiment désespéré du dimanche soir en proche banlieue, que Blaise Cendrars exprime avec toute la justesse possible dans La banlieue de Paris :
« Sombres dimanches. Je ne connais rien de plus démoralisant que la fin des après-midis de dimanche dans ces patelins de la proche banlieue parisienne transformés en déserts de pavés. Des chats rhumatisants et des vieilles femmes avec des maladies dans le ventre, chute de matrice et autres choses, qui tricotent et soulèvent un rideau sale quand un pas sonne dans la rue. Atmosphère de fin du monde. Moisissures. L’ennui est interminable. »
Ce passage m’en rappelle d’ailleurs un autre, issu des Champs Magnétiques et composé par Soupault :
« Les banlieues tristes des dimanches et les lignes d’intérêt local sont un triste décor. (…) Quelles sont ces maisons galeuses qui n’ouvrent leurs volets qu’au grand jour ? »
La fausse citation du site de la ville de Pantin
En 2017, j’ai contacté le service patrimoine de la ville de Pantin dont le site donne à lire une citation d’André Breton que je retranscris ici :
« Mes premières aubes, je les ai rêvées sur le canal de l’Ourcq, à Pantin et route d’Aubervilliers, à Pantin Quatre-Chemins »,
en l’attribuant à un poème qui n’existe pas, « Les Aubes », citation qui me semblait inspirée d’une photo figurant dans Nadja. Longtemps après l’avoir sollicité, le service patrimoine m’a envoyé la notice non signée rédigée par un historien local à propos de Breton à Pantin, lequel cite à nouveau cet extrait en l’attribuant alors aux Champs Magnétiques, le premier recueil d’écriture automatique écrit en 1919 avec Philippe Soupault.
Comme je ne retrouvais aucune mention de cette phrase dans le livre, j’ai demandé conseil à Henri Béhar, le fondateur du centre de recherches sur le surréalisme et de la revue Mélusine, qui, au fil de quelques échanges, s’est souvenu que la formule provenait d’un ouvrage de Georges Sebbag, L’imprononçable jour de ma naissance 17NDRE 13RETON.
J’ai alors appelé cet autre spécialiste du surréalisme, qui m’a renvoyé vers son livre, où il imagine une conversation fictive entre Breton et Jacques Vaché, mort d’une overdose d’opium le 6 juillet 1919 dans un hôtel de Nantes. Le premier y adresse en effet ces mots au second :
« Mes premières aubes, je les ai rêvées sur le canal de l’Ourcq, à Pantin et route d’Aubervilliers, à Pantin Quatre-Chemins ».
Ainsi, bien que ces phrases soient imaginaires, elles reflètent l’attachement d’André Breton à Pantin et à Aubervilliers (le signifiant AUBE jouant un rôle important dans son œuvre, comme l’indique le prénom donné à sa fille unique Aube ou le rôle que joue dans son œuvre la figure inspiratrice de Suzanne Muzard d’Aubervilliers). Ce sentiment des paysages premiers, j’invite chaque participant à le redécouvrir en se remémorant la géographie de sa propre enfance.
Quelles sont les traces de Pantin dans l’œuvre de Breton ?
Elles sont peu nombreuses.
– La plus manifeste est sans doute ce rêve rapporté par Georges Sebbag dans André Breton l’Amour folie et initialement paru dans La Révolution surréaliste numéro 1:
« Devant une maison que j’ai habitée, je rejoins un enterrement (…) Sur le cercueil un homme d’un certain âge, (…) qui ne peut être que le mort, est assis et, se tournant alternativement à gauche et à droite, rend leur salut aux passants. Le cortège pénètre dans la manufacture des allumettes. »
Georges Sebbag songe alors à la manufacture d’allumettes d’Aubervilliers, dotée d’une grande tour caractéristique du patrimoine industriel d’île-de-France. Cette usine, occupée aujourd’hui par l’institut du Patrimoine, était située dans cette rue du Vivier où a grandi Suzanne Muzard, et dont il est question dans un récit automatique de Breton.
Au contraire, selon Michel Denis, participant à la première balade, il peut d’agir d’une usine d’allumettes qui était située au 58 route d’Aubervilliers (avenue Édouard-Vaillant), soit juste à côté du 70 où la famille Breton vivait à partir de 1913.
Bien qu’il ne soit pas nommé dans ce passage, l’enterrement évoqué me semble devoir être relié au cimetière parisien de Pantin, immense nécropole occupant au moins un cinquième de la surface de la ville. Une légende, démontée par Jacques Clayssen sur le site Démarches, veut que les restes de Lautréamont y aient été transférés après l’agrandissement du cimetière de Montmartre. Là encore, que le fait soit réel ou imaginaire, la légende le fait exister.
– Il y a aussi, donc, ce texte automatique composé par Breton à Moret-sur-Loing le 30 août 1928 :
« Le rosier aux épines de verre cassé s’engage à ce moment dans la rue du Vivier à Aubervilliers, il brûle de tous les pleurs de l’enfance ».
Il y est question à nouveau de la rue du Vivier, aujourd’hui rue Henri-Barbusse, où avait vécu Suzanne Muzart, muse et amante de Breton. Née en 1900 avenue de la République, elle a ensuite vécu avec son grand père au 83 rue du Vivier.
– Par ailleurs, dans un poème-collage intitulé « Les déguisements » et publié par Georges Sebbag dans Dix cahiers surréalistes, poème apparemment destiné à figurer dans Le Manifeste de 1924 mais finalement rayé par Breton, celui-ci écrit :
« Nous sommes sur le chemin des allumettes ».
Quel est donc ce chemin des allumettes ? Peut-être s’agit-il du chemin qui mène à Pantin-Aubervilliers, soit le chemin de la mémoire et du retour à l’enfance…
– Dans la lettre-collage du 13 janvier 1919, envoyée par Breton à son ami Jacques Vaché, mort une semaine plus tôt dans un hôtel de Nantes, Breton fait figurer, à la demande de celui-ci, un Indicateur de chemins de fer découpé en forme d’Hexagone (cf. en haut à droite de l’illustration). En procédant à ce découpage, Breton a pris soin d’inclure les Quatre Chemins et d’exclure Paris.
– Un poème-collage de Clair de Terre se fait réminiscence de la lettre-collage du 13 janvier 1919. Le voici entièrement retranscrit :
MÉMOIRE D’UN
EXTRAIT DES
ACTIONS DE CHEMINS
– Il y a encore cette lettre adressée en 1928 par Breton à sa femme Simone Kahn à propos de Suzanne Muzard avec laquelle il était en train de rompre :
« Tu ne sais pas ce qu’est la rue, qu’une usine à Aubervilliers, que la prostitution. ( …) tu ne peux pas comprendre ce que je dis là. Tu ne songes pas à quel point les figures qu’on se fait de l’avenir dépendent de celle qu’on a du passé ».
Or, le sens de ma démarche consiste précisément à envisager la perception que Breton se faisait de la ville et du monde à travers le prisme de son enfance pantinoise. Que ce soit par le canal de l’Ourcq – Saint-Martin, par la voie ferrée ou suivant les routes de Flandre ou d’Allemagne, Pantin penche vers la gare de l’Est et ce 10e que L’éon-Paul Fargue dit être « un quartier de poètes et de locomotives ».
De même que les Auvergnats arrivent à la gare de Lyon et les Bretons à Montparnasse, de même les Pantinois arrivent-il à Paris par la gare de l’Est. De là, il suffit de marcher quelques minutes pour rejoindre cette « très belle et très inutile porte Saint-Denis » à laquelle l’auteur rend hommage dans Nadja, et où chaque fois ses pas le ramènent malgré lui.
A titre personnel, je considère toujours les voies dans leur continuité, qu’elles soient ferrées, fluviales, ou carrossables : le canal de l’Ourcq rejoint la Seine au quai de la Rapée, la voie ferrée de l’est mène à la gare de l’Est, et l’avenue Jean-Lolive, cette ancienne rue de Paris, débouche sur la place de Stalingrad, puis la Chaussée d’Antin. Une précision, suggérée par Emmanuelle Lequeux lors de la 2e balade, conforte cette impression : la rue Lafayette, où Breton rencontrera Nadja, prolonge très exactement l’avenue Jean-Jaurès et cette rue de Paris où la famille Breton emménage en 1900.
Quel était le trajet de Breton pour se rendre au lycée ?
Lorsqu’il passe en classe de 5e, André Breton quitte l’école de la mairie pour rejoindre le lycée Chaptal, 45 boulevard des Batignolles, où il rencontrera son ami Theodor Fraenkel. Dans sa biographie André Breton le grand indésirable, Henri Béhar décrit ainsi ce qu’il suppose être l’un de ses premiers trajets de la gare de Pantin à celle des Batignolles (aujourd’hui Pont-Cardinet) :
« Le 2 octobre 1907, André Breton prend le train, en troisième classe, à Pantin pour la gare des Batignolles dont la forme rayonnante l’effraie un peu. »
Comment est-ce possible ?
Les deux gares de Pantin et des Batignolles ne sont pas reliées. Elles appartiennent à deux voies distinctes de chemin de fer, celle du nord-est (qui part de la gare de l’Est) et celle du nord-ouest (qui part de la gare Saint-Lazare).
Si l’on consulte un plan de la Petite Ceinture en 1911, il faut emprunter cette voie circulaire pour relier ces deux lignes, au moyen de deux changements : d’abord à la station Est-Ceinture, puis à la station Courcelles-Ceinture – ou, dans l’autre sens, Courcelles-Levallois. De là, le train en direction de Saint-Lazare s’arrête à la gare des Batignolles. D’ailleurs, le lycée Chaptal est bien plus proche du métro Rome que la gare des Batignolles
Il semble donc plus probable que le jeune André ait emprunté deux tramways, voire un tramway et un métro, pour se rendre au lycée. Selon un plan de tramway de 1921, il aurait pu grimper dans un tram de la ligne 21 depuis l’actuelle station Hoche (ou prendre la ligne 51 un peu plus loin) jusqu’à la station aujourd’hui appelée Jaurès, avant de faire un changement pour prendre un tramway de ceinture (ligne 5), ou encore pour emprunter la ligne 2 du métro qui existait déjà à l’époque, d’après un plan de métro en 1902. Il aurait alors rejoint la station Rue de Rome (aujourd’hui Rome) depuis la station Rue d’Allemagne (devenue Jaurès),
Qu’il ait terminé son trajet en tram ou en métro aérien, on peut supposer que son œil ingénu de petit banlieusard s’émerveillait de découvrir les enseignes lumineuses de ces bars, clubs et dancings que les boulevards de ceinture, longeant l’ancien mur de Fermiers Généraux, égrènent entre Barbès et place Clichy (panorama nocturne auquel correspond celui, actuel, des sex shops et des sunlights de Pigalle à la tombée de la nuit).
Souvenir de l’avenir : si Breton avait 16 ans aujourd’hui, il pourrait prendre la ligne Éole qui relie la gare de Pantin à Saint-Lazare, empruntant une voie souterraine nouvellement aménagée entre les stations Magenta et Haussmann Saint-Lazare. Cette ligne n’existait pas en 1995, lorsqu’Henri Béhar, nourri de la correspondance de Breton, fit paraitre pour la première fois sa biographie.
Autre source : le site Comptoir littéraire affirme que la famille Breton, pour aller se promener le dimanche à Paris, montait à la gare de Pantin et sortait à la gare de l’Est où elle marchait jusqu’à la Madeleine :
« Il goûtait, chaque dimanche, le rituel par lequel lui et ses parents, venant de leur domicile de Pantin, descendaient à pied de la gare de l’Est jusqu’à l’église de la Madeleine. Son seul plaisir consistait alors à s’attarder devant les vitrines de la Galerie Bernheim jeune, rue Richepanse, pour regarder les tableaux exposés : Bonnard, Vuillard et surtout Matisse ouvraient à son regard un monde jusque-là insoupçonné, sa délectation étant certainement attisée par le fait que son père était indigné à leur vue. Il fut fasciné aussi par le cinéma naissant. »
Deux parcours ensoleillés
Samedi 26 mars et samedi 9 avril, je proposais donc pour la première fois de faire partager mes recherches à des visiteurs prêts à suivre cet itinéraire pantinois. Cette déambulation biographique et psychogéographique constituait aussi, pour les participant(e)s, une introspection poétique visant à les faire se replonger dans leur enfance et à s’en rappeler les lieux.
Comparé à des balades plus génériques qui auraient par exemple pour objet d’évoquer les cafés de Saint-Germain ou l’histoire de Montparnasse, le caractère si spécifique de ce parcours, à mi chemin de la dérive et de l’enquête littéraire, attire un public particulièrement pointu. Et les « hasards objectifs », dès lors, se multiplient. En voici certains :
– Michel Denis, un chercheur retraité du CNRS, spécialiste de l’épopée cinématographique de Belleville, a grandi dans l’immeuble occupé par la famille Breton entre 1913 et 1918, au 70 avenue Edouard-Vaillant.
– Une jeune fille de sept ans s’appelle non seulement Nadja, mais son nom de famille résonne aussi, à une lettre près, avec celui de Pantin.
– En récitant le poème « Tournesol » de Breton sur le pont ferroviaire de l’avenue Édouard-Vaillant, Marine Charles retrouve une phrase qu’elle avait en tête depuis l’adolescence : « la courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée », qui apparaît au 11e vers.
– Un participant du nom de Kevin Roussel, capable de diriger ses rêves depuis l’enfance (selon le principe du rêve lucide), ignore que son patronyme est celui d’un illustre prédécesseur du surréalisme, Raymond Roussel (« Roussel est surréaliste dans l’anecdote », écrit Breton dans le Manifeste de 1924). Son ouvrage posthume, Comment j’ai écrit certains de mes livres, contient en germe de féconds dispositifs d’écriture. En particulier cette structure syntaxique nominale qui lui sert à établir des équivoques créatives dans les Impressions d’Afrique, à l’image du « palmier à restauration », signifiant à la fois un gâteau dans un restaurant et un arbre capable de rétablir une dynastie sur un trône.
On le verra plus loin, c’est cette même structure syntaxique articulée par le déterminant « à » qu’utilise Breton pour composer son poème « L’union libre » (« Ma femme à la chevelure de feu de bois… ») ou le titre de son recueil Le révolver à cheveux blancs. Ce type de métaphore nominale me parait être un moyen efficace de produire et de faire produire des images surréalistes.
« Age » et « Lâchez Tout ! », de Pantin à Paris
Deux textes composés par Breton à quelques années d’écart me paraissent pouvoir être mis en parallèle pour expliquer son passage de Pantin à Paris : le poème en prose « Âge », d’inspiration rimbaldienne, que je lis comme un texte d’adieu à Aubervilliers et à Pantin, et le texte programmatique « Lâchez tout ! » qui me semble annonciateur d’un nouveau départ parisien.
1. Breton date « Âge » du 19 février 1916 (son 20e anniversaire) et le dédie à Léon-Paul Fargue :
Aube, adieu ! Je sors du bois hanté ; j’affronte les routes, croix torrides. Un feuillage bénissant me perd. L’août est sans brèches comme une meule.
Retiens la vue panoramique, hume l’espace et dévide machinalement les fumées.
Je vais m’élire une enceinte précaire: on enjambera s’il faut le buis. La province aux bégonias chauffés caquète, range. Que gentiment s’ameutent les griffons au volant frisé des jupes !
Où la chercher, depuis les fontaines ? A tort je me fie à son collier de bulles… Yeux devant les pois de senteur.
Chemises caillées sur la chaise. Un chapeau de soie inaugure de reflets ma poursuite. Homme… Une glace te venge et vaincu me traite en habit ôté. L’instant revient patiner la chair.
Maisons, je m’affranchis de parois sèches. On secoue ! Un lit tendre est plaisanté de couronnes.
Atteins la poésie accablante des paliers.
Quand on lit le poème sur le pont de l’avenue Edouard-Vaillant, il ne fait plus de doute à mes yeux que le panorama ferroviaire qui s’offre à la vue a inspiré le 3e verset : « Retiens la vue panoramique, hume l’espace et dévide machinalement les fumées ».
[Commentaire du 12 novembre 2022 : l’avenue Edouard-Vaillant est décrite par Jean Rolin dans La Clôture, au moyen d’une proposition quasi surréaliste : « de nuit, une grande coulée d’ombre constellée de feux mobiles ou fixes, un peu comme un ciel inversé. »]
2. Après avoir occupé une chambre à l’hôtel des Grands hommes, place du Panthéon où il rédige Les Champs Magnétiques, Breton publie dans le 2e numéro de la revue Littérature un texte qui commence ainsi :
LÂCHEZ TOUT !
« J’habite depuis deux mois place Blanche. L’hiver est des plus doux et à la terrasse de ce café voué au commerce des stupéfiants, les femmes font des apparitions courtes et charmantes. Les nuits n’existent guère plus que dans les régions hyperboréennes de la légende. Je ne me souviens pas d’avoir vécu ailleurs ; ceux qui disent m’avoir connu doivent se tromper. Mais non, ils ajoutent même qu’ils m’avaient cru mort. Vous avez raison de me rappeler à l’ordre. Après tout qui parle ? André Breton, un homme sans grand courage, qui jusqu’ici s’est satisfait tant bien que mal d’une action dérisoire et cela parce que peut-être un jour il s’est senti à jamais trop durement incapable de faire ce qu’il veut. Et il est vrai que j’ai conscience de m’être déjà dévalisé moi-même en plusieurs circonstances ; il est vrai que je me trouve moins qu’un moine, moins qu’un aventurier. N’empêche que je ne désespère point de me reprendre et qu’à l’entrée de 1922, dans ce beau Montmartre en fête, je songe à ce que je puis encore devenir. »
3. De même, en 1951, lorsqu’il découvre la ville de Saint-Cirq-Lapopie, dans le Lot, où il achète une maison en surplomb des gorges, Breton dira ne pas s’être désiré ailleurs :
« Saint-Cirq-Lapopie a fixé sur moi un tel enchantement que j’ai cessé de me désirer ailleurs »
Gageons qu’à chaque fois que le poète déménage, il renaît vierge à son nouvel environnement, prêt à démarrer une nouvelle vie. Ainsi, puisque nous avons raison de « rappeler à l’ordre » André Breton, pourquoi ne pas lui rappeler l’existence de son enfance aux Quatre Chemins ?
Le jeu des préférences
Toujours dans le 2e numéro de la revue Littérature, paru le 1er avril 1922, il y a exactement cent ans, Aragon et Breton jouent à « quelques préférences de … » avec plusieurs membres de leur groupe. J’ai soumis les 32 premiers items de ce jeu aux participant(e) de ma balade, en ajoutant trois questions de mon cru : lieu d’enfance, équivoque (double sens ou jeu de mots) et image surréaliste.
Voici, pour chaque question, les réponses de huit d’entre elles et eux :
1. Jardin de Paris
- Les Buttes Chaumont (Marine Charles)
- Eden (parce que je « paris » qu’il existe) (Sylvie Steinbach)
- Parc Jean-Paul II (Issy) (Claire Béziau)
- Montsouris (Michel Denis)
- Le jardin des plantes pour ses magnolias, ses cerisiers en fleurs et son nom ridicule, quoi d’autre dans un jardin que des plantes ? (Hana Levy)
- Celui de la cour des Caissons de flottaisons, une après-midi de septembre 2021(18eme) (Kevin Roussel)
- Jardin des Poètes (Anne Laffont)
- Parc de la Turlure alias Parc Marcel Bleustein-Blanchet (Elsa de Brito)
2. Monarque
- Clovis (Marine Charles)
- Roi (Sylvie Steinbach)
- La reine de coeur d’Alice au pays des merveilles (Claire Béziau)
- Aucun (Michel Denis)
- Papillon dont l’orangé me dérange (Hana Levy)
- Papillon (Kevin Roussel)
- Assurbanipal (Anne Laffont)
- Louis 14 (Elsa de Brito)
3. Objet usuel
- Presse-ail (Marine Charles)
- Stylo (Sylvie Steinbach)
- Stylo (Claire Béziau)
- Ordinateur (Michel Denis)
- L’éventail qui pousse le vent au bout du portail (Hana Levy)
- Carnet (Kevin Roussel)
- Verre (Anne Laffont)
- Chausse-pied (Elsa de Brito)
4. Pays
- Chili (Marine Charles)
- Lointain (Sylvie Steinbach)
- Bhoutan (fort bonheur intérieur brut mais hors de prix d’y séjourner) (Claire Béziau)
- Italie (Michel Denis)
- Pitchi poï, le pays dont on ne revient jamais (Hana Levy)
- Lydia (Kevin Roussel)
- Grèce (Anne Laffont)
- Le nord de Paris (Elsa de Brito)
5. Époque
- 1905 (Marine Charles)
- XXe années 20 (Sylvie Steinbach)
- Années folles (Claire Béziau)
- XXIème siècle (Michel Denis)
- Celle des crinolines, des calèches au Bois de Boulogne, celle de Proust (Hana Levy)
- 3 000 000 000 (Kevin Roussel)
- Moyen Age (Anne Laffont)
- Les années folles (Elsa de Brito)
6. Quartier de Paris
- Saint-Michel (Marine Charles)
- Marais (Sylvie Steinbach)
- Quartier Danube (Claire Béziau)
- Belleville (Michel Denis)
- Les Buttes Chaumont, ses monts secrets, son village en pente douce, ses vignes et chemins en terrasse, ses escaliers abrupts, la campagne qui s’ignore. (Hana Levy)
- 21ème (Kevin Roussel)
- Denfert (Anne Laffont)
- La Goutte d’Or (Elsa de Brito)
7. Automobile
- DS (Marine Charles)
- 4L – la voiture qui vous donne des ailes (Sylvie Steinbach)
- Tapis volant (Claire Béziau)
- 4 CV (Michel Denis)
- Pégase, la voiture à ailes (Hana Levy)
- Tesla (Kevin Roussel)
- Lancia (Anne Laffont)
- Renault (Elsa de Brito)
8. Peintre
- Dali (Marine Charles)
- Magritte – Hopper (Sylvie Steinbach)
- Bonnard (Claire Béziau)
- Renoir (Michel Denis)
- Michel-Ange, non pas l’origine du monde mais le commencement de tout (Hana Levy)
- James Jean (Kevin Roussel)
- Cézanne (Anne Laffont)
- Jérôme Bosch (Elsa de Brito)
9. Occupation
- Céramique (Marine Charles)
- Rêver (Sylvie Steinbach)
- Écrire (Claire Béziau)
- Recherche (Michel Denis)
- Faire pousser un arbre à lettres, y accrocher ses phrases fétiches, le garnir de métaphores, y suspendre des guirlandes sémantiques, y cueillir des anagrammes, anaphores ou tout autre figure de style, y chérir ses livres préférés. (Hana Levy)
- Bonheur (Kevin Roussel)
- allemande (Anne Laffont)
- Flâner (Elsa de Brito)
10. Science
- Philosophie (Marine Charles)
- de la vie (Sylvie Steinbach)
- Anthropologie (Claire Béziau)
- Physiologie (Michel Denis)
- molles, les meilleures à se mettre sous la dent. (Hana Levy)
- La magie dans le sens d’Eliphas Lévi (Science de la foi) (Kevin Roussel)
- occulte (Anne Laffont)
- Ésotérisme (Elsa de Brito)
11. Animal
- Beluga (Marine Charles)
- Chat (Sylvie Steinbach)
- Cochon (je les collectionnais, petite, pour plein de raisons, et ils sont hyper intelligents) (Claire Béziau)
- Libellule (Michel Denis)
- Le serpent à plumes (Hana Levy)
- Humain (Kevin Roussel)
- Cheval (Anne Laffont)
- Chien (Border Collie) (Elsa de Brito)
12. Parfum
- Cinéma (Marine Charles)
- Lotus (Sylvie Steinbach)
- Tilleul (Claire Béziau)
- Cannelle (Michel Denis)
- L’ambre à la fois odeur, couleur, chaleur, texture aux mille vertus (Hana Levy)
- Celui qui passe dans la rue et dont je n’ose jamais demander l’origine (Kevin Roussel)
- Jasmin (Anne Laffont)
- L’odeur de la naphtaline (Elsa de Brito)
13. Âge
- 13 ans (Marine Charles)
- Enfance (Sylvie Steinbach)
- L’âge des possibles (Claire Béziau)
- Tous les âges (Michel Denis)
- d’or (Hana Levy)
- Celui des immortels (Kevin Roussel)
- Canonique (Anne Laffont)
- 4 ans (Elsa de Brito)
14. Métier
- Maréchal-ferrant (Marine Charles)
- Ébéniste (Sylvie Steinbach)
- Joueur de triangle (Claire Béziau)
- Chercheur (Michel Denis)
- Ferrailleur, qui bat le fer des images surréalistes (Hana Levy)
- Celui qui éveille et rend chacun heureux (Kevin Roussel)
- Relieur (Anne Laffont)
- Experte en tournage de pouce (Elsa de Brito)
15. Couleur
- Beige (Marine Charles)
- Jaune (Sylvie Steinbach)
- Bleu carmin (Claire Béziau)
- Vert (Michel Denis)
- Bleue comme ses yeux, comme les cieux, comme mes gnons à l’âme, comme le bleu de travail, comme le frais cresson… (Hana Levy)
- Le bleu avec des reflets Vert, Violet, Rouge, Orange, Jaune, Octarine (Kevin Roussel)
- verte (Anne Laffont)
- Orange (Elsa de Brito)
16. Poète
- Brel (Marine Charles)
- Verhaeren (Sylvie Steinbach)
- Prévert (Claire Béziau)
- Boris Vian (Michel Denis)
- Rimbaud, la nuque éternellement dans le frais cresson bleu (Hana Levy)
- La nature / Alejandro Jodorowsky (Kevin Roussel)
- Mallarmé(Anne Laffont)
- Anaïs Nin (Elsa de Brito)
17. Métal
- Cuivre (Marine Charles)
- Fer bois (Sylvie Steinbach)
- Cuivre (Claire Béziau)
- Cuivre (Michel Denis)
- le plomb et l’or, le petit peuple et le seigneur (Hana Levy)
- Celui qui n’entre pas en fusion au delà de la vitesse de la lumière (Kevin Roussel)
- Argent (Anne Laffont)
- Plomb (Elsa de Brito)
18. Femme
- Grisélidis Réal (Marine Charles)
- désir (Sylvie Steinbach)
- Sophie Calle (Claire Béziau)
- Nadia Sibirskaïa (Michel Denis)
- tige, lige, callipyge (Hana Levy)
- Coup de foudre (Mon ex en sous texte) (Kevin Roussel)
- fatale (Anne Laffont)
- La madre (la mère) (Elsa de Brito)
19. Homme politique
- DSK (Marine Charles)
- De Gaulle (Sylvie Steinbach)
- Simone Veil (Claire Béziau)
- Lincoln (Michel Denis)
- Léon Blum, spécimen de fleur politique (Hana Levy)
- Le cheval de Caligula (Kevin Roussel)
- Jaurès (Anne Laffont)
- Simone Veil (Elsa de Brito)
20. Mets
- Chorba (Marine Charles)
- Saumon épinards (Sylvie Steinbach)
- Lasagnes au brownie (j’arrive pas à trancher salé/sucré) (Claire Béziau)
- Bouchée à la reine (Michel Denis)
- Chapati, ma madeleine indienne (Hana Levy)
- Glacé Souple et fluide (Kevin Roussel)
- Polenta (Anne Laffont)
- Tous les plats italiens (Elsa de Brito)
21. Fourrure
- Hermine (Marine Charles)
- Léopard (Sylvie Steinbach)
- Mallow le chat persan de ma soeur (Claire Béziau)
- Aucune (Michel Denis)
- La peau de l’ours (Hana Levy)
- Les peluches thaïs tellement douces qu’on souhaiterait y rester collé pour toujours (Kevin Roussel)
- Lapin (Anne Laffont)
- Le renard roux (Elsa de Brito)
22. Boisson
- IPA (Marine Charles)
- Cocktail (Sylvie Steinbach)
- Milk-shake vanille (Claire Béziau)
- Menthe à l’eau (Michel Denis)
- L’absinthe, muse des poètes (Hana Levy)
- Milk-shake (Kevin Roussel)
- Thé (Anne Laffont)
- Spritz prononcé comme à la frontière suisse-italienne (Elsa de Brito)
23. Musicien
- Erik Satie (Marine Charles)
- Piaf – Bowie (Sylvie Steinbach)
- Brassens (Claire Béziau)
- Francis Poulenc (Michel Denis)
- Lizst, l’époux de Sand (Hana Levy)
- Aurora (Kevin Roussel)
- Berlioz (Anne Laffont)
- Jonnie Mitchell (Elsa de Brito)
24. Objet de vêtement
- Pin’s (Marine Charles)
- Broche (Sylvie Steinbach)
- Body (Claire Béziau)
- Nœud papillon (Michel Denis)
- La blouse universelle (Hana Levy)
- Un collier en charbon binchotan (Kevin Roussel)
- Ceinture (Anne Laffont)
- Bouton (Elsa de Brito)
25. Yeux
- Noirs (Marine Charles)
- Rieurs (Sylvie Steinbach)
- En amande (Claire Béziau)
- Clairs (Michel Denis)
- olivâtres, forme et carnation (Hana Levy)
- Ceux de la femme que j’aime (Kevin Roussel)
- verts (Anne Laffont)
- jaunes (Elsa de Brito)
26. Partie du corps
- Mollet (Marine Charles)
- Jambes (Sylvie Steinbach)
- Le cou (Claire Béziau)
- Cerveau (Michel Denis)
- Les mains expressives et voltigeuses (Hana Levy)
- Cerveaux (Kevin Roussel)
- Jambe (Anne Laffont)
- Yeux (Elsa de Brito)
27. Fleur
- Iris (Marine Charles)
- Capucine grimpante (Sylvie Steinbach)
- Hortensia (Claire Béziau)
- Anémone (Michel Denis)
- La pivoine pour son rouge aux joues (Hana Levy)
- D’anus (Kevin Roussel)
- Myosotis (Anne Laffont)
- Magnolia (Elsa de Brito)
28. Divinité
- Kali (Marine Charles)
- Shiva (Sylvie Steinbach)
- Ganesh(Claire Béziau)
- Aucune (Michel Denis)
- Le chat égyptien (Hana Levy)
- Le dieu intérieur (Kevin Roussel)
- Shiva (Anne Laffont)
- Hécate (Elsa de Brito)
29. Heure
- 12h14 (Marine Charles)
- 10h10 00h00 (tout commence ou tout fini) (Sylvie Steinbach)
- L’heure dorée (Claire Béziau)
- Midi (Michel Denis)
- La bonne (à) (Hana Levy)
- L’heure d’après (Kevin Roussel)
- dernière (Anne Laffont)
- 11h30 (Elsa de Brito)
30. Saison
- Automne (Marine Charles)
- Printemps (Sylvie Steinbach)
- avril-mai (Claire Béziau)
- Été (Michel Denis)
- En enfer (Hana Levy)
- Automne (Kevin Roussel)
- Été (Anne Laffont)
- Printemps (Elsa de Brito)
31. Toucher
- Herbe (Marine Charles)
- Velours (Sylvie Steinbach)
- La peau (ou « coulé ») (Claire Béziau)
- Suédine (Michel Denis)
- Le baiser de la femme araignée (Hana Levy)
- Tout Bordel ! OH OUIIII j’adore toucher N’IMPORTE QUOI !!!!! (Kevin Roussel)
- subtil (Anne Laffont)
- coulé (Elsa de Brito)
32. Plante
- Bourrache (Marine Charles)
- Racine (Sylvie Steinbach)
- Plante tropicale (Claire Béziau)
- Séquoia (Michel Denis)
- carnivore, tentaculaire, « junglesque » et tropicale (Hana Levy)
- La digitale (Kevin Roussel)
- Verveine (Anne Laffont)
- Cactus (Elsa de Brito)
33. Lieu d’enfance
- Flers (Marine Charles)
- Bord de rivière (Sylvie Steinbach)
- naissance: St-Valéry-en-Caux (Seine-Maritime) jusqu’à 2 ans. vécu de 2 à 11 ans: Cosne-sur-Loire (Nièvre), Valence-d’Agen (Tarn-et-Garonne), Chine (vers HK), Montmorillon (Poitou) (Claire Béziau)
- Belleville – Le pont de l’avenue Edouard-Vaillant qui passe au-dessus des voies du chemin de fer de l’est. (Michel Denis)
- Dinard (Kevin Roussel)
- Neuilly, Auteuil (Anne Laffont)
- Reims, puis le parc du quartier de l’Europe (Elsa de Brito)
34. Équivoque
- À demi moi (Marine Charles)
- Plante des pieds – Pomme d’arrosoir (Sylvie Steinbach)
- laborieux/la Borieux (Claire Béziau)
- L’épitaphe d’un musicien mort étouffé par un morceau de pain : La mi la mi la. (Michel Denis)
- Roussel _ Roux sel _ Sel de soufre _ celui qui fixe les émotions selon l’alchimie (Kevin Roussel)
- Guéridon (Anne Laffont)
- Claudiquante : Claudie Kant (Elsa de Brito)
35. Image surréaliste
- Un chaton dans une poêle (Marine Charles)
- Ce miroir réfléchit…hum à quoi ? (Sylvie Steinbach)
- Hong Kong est une jungle clignotante bruissant d’idéogrammes (Claire Béziau)
- Le ciel est bleu comme un citron vert (Michel Denis) / André Breton sur le dos d’un dromadaire traversant l’île de Tenerife. (Michel Denis)
- “Riez vos glaires”, dis-je de ceux qui me moquent (Kevin Roussel)
- Le soleil sombre sur le mur (Anne Laffont)
- Un carrefour de vie aux milles directions (Elsa de Brito)
Pour finir, je proposais aux piétons de la seconde balade un nouvel exercice : à partir de la structure syntaxique du poème L’union libre, que Breton écrivit en songeant à sa muse et amante Suzanne Muzard, il s’agissait de composer un poème hommage à leur ville ou lieu d’enfance.
C’était une manière de les guider sur le chemin de l’image surréaliste, entendue avec, Lautréamont comme « la rencontre sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ».
Deux participantes m’ont remis leur contribution :
Voici le poème surréaliste de Marine Charles :
Mon pays gris pluie, marron flaque et blancs moutons, perce mon âme noire
Mon pays aux champs de betteraves crus et de ver de terre découpés en salade
Mon pays aux fenêtres bretelles qui claquent sur ma figure bombée
Aux trois bouleaux triangles qui ont vu naître l’écriture sur les tuiles rouilles du cabanon
Mon pays aux bus qui miaulent
Aux cirques vides
Aux mairies trop neuves
Et aux histoires toutes cuites dans les pommes
Mon pays de poules mensongères dans la véranda rai
De camions, de dindons aux glottes de Charlotte
Mon pays qui saute de voiture, lance encore des pierres aux merles
Mon pays, ce vagin
qui ne luit pas souvent.
Autre poème, très différent, celui de Sylvie Steinbach :
Levallois,
Ma ville
Parallèle
Ma ville
Perpendiculaire
Ma ville
des fortifs
et du périph
Ma ville
point de côté
Ma ville
borde Seine
Ma ville
So Ouest
Ma ville
Renault
Citroen
G7
Ma ville
Ligne 3
direction
porte des Lilas
Levallois
je ris
malgré tout,
tu vois !?
Cet article n’est que l’ébauche d’un travail en cours et en mouvement. Il comporte sans doute des inexactitudes et des spéculations que certains jugeront hasardeuses. Ainsi, toute contribution est la bienvenue pour m’aider dans ces recherches, à l’image de celles de deux participants que je remercie ici : Laurent Doucet, responsable de l’association la Rose impossible, à Saint-Cirq-Lapopie, qui fait revivre l’ancienne maison de Breton à travers des événements artistiques et Michel Denis, qui a vécu dans le dernier immeuble pantinois de Breton, et se propose de m’accompagner à nouveau sur ce parcours vers de nouvelles découvertes…
Retrouvez-ici l’article que le journal Canal a consacré à la balade en mars 2022 :
« Ma découverte du monde a commencé à Pantin. Avoir grandi à la lisière, entre Paris et la banlieue, m’a permis de considérer la ville dans sa continuité. Comme le canal, je me moque des frontières ! »
Julien BARRET
Mise à jour postée à la veille d’un nouveau parcours, prévu samedi 21 janvier 2023 à 15h : Laurent Doucet, responsable de l’association La Rose impossible, qui gère la maison d’André Breton à Saint-Cirq-Lapopie (Lot), me fait part d’une citation singulière et méconnue révélant un point de vue du poète sur la ville de sa jeunesse : « tous (mes) souvenirs d’enfance me rattachent à la lande bretonne ; (mes) souvenirs de jeunesse à la plus crépusculaire banlieue : Pantin, reine des fumées » (note autobiographique inédite de 1930, page 18 du catalogue de la vente Drouot des 23 et 24 mars 1981 « Surréalisme, dadaïsme, cubisme »).
Beau travail d’arpenteur de cet imaginaire de plus en plus vital. D’autres promenades en compagnie du fantôme de l’an 1713 sont t’elles déjà planifiées ? Cordialement
Oui, le prochain parcours aura lieu samedi 21 janvier à 15h. Vous pouvez retrouver ici l’annonce de cette balade et la réserver : https://exploreparis.com/fr/4676-sur-les-traces-dandre-breton-a-pantin.html#utm_source=tourisme93.com&utm_medium=referral&utm_campaign=json_feed&utm_content=12350