Le cabaret des faubourgs de barrière
A l’occasion d’un projet baptisé Flow, L’atelier oratoire, j’explore la ville en poèmes et en chansons. J’ai ainsi consacré un long texte en alexandrins rimés à la question des limites, frontières et barrières d’octroi, en adoptant tantôt le point de vue d’un cabaret, tantôt celui d’un garde barrière… Le voici !
Publié le 11 février 2023
Je suis une guinguette de l’autre côté du mur
Là où l’on fait la fête aux portes d’une ville
Et ma ville c’est Paris c’est Pantin c’est Issy
Et c’est là Bagnolet le Pré Montreuil Ivry
Je ne suis qu’un faubourg traversé par l’A3
Ou enclavé de près par d’autres autoroutes
Et crois-moi bien mon gars ici ça respire pas
La misère se répand lorsque la pluie s’abat
Je suis un garde-barrière je m’octroie tous les droits
De douane sur les âmes et la faune sauvage
Paon pâmé de moisson chevaux de traits en cage
Roulotte abandonnée sur un vieux terre-plein sale
Je détiens le savoir des tours et des barres
A la clôture toujours surveillant le canal
Et les cités construites à la lisière des phares
Je suis le lit du fleuve et aussi son fanal
Je suis le cabaret des faubourgs de barrière
Où l’on danse gaiement aviné au moins cher
Piquette de guinguette de derrière l’octroi
La terre n’est pas fertile mais c’est là que l’on croît
Je suis un garde-barrière un fermier général,
Ô mais je ne garde pas un passage à niveau
C’est l’entrée de la ville dont je défends la peau
Dont je taxe les produits autres que grains à moudre
Boissons et denrées rares
Contrevenant, toujours, aux vils contrebandiers
A la ville donne le change, l’appoint
Et l’orage se prépare
De dessous l’échangeur cabanes de migrants
De Roms et de Gitans tous ceux que la ville pousse
Repousse à sa limite tel un reflux gazeux
Réminiscence funeste et ça suffit comme ça
Le directeur du cab a autre chose à faire
Il ne peut accueillir toute la misère du monde
Ni celle du 93 ce qui revient au même
Et idem pour Pantin et son mur de la haine
Je suis le cabaret des faubourgs de barrière
Où l’on danse gaiement aviné au moins cher
Piquette de guinguette de derrière l’octroi
La terre y est fertile, ouais c’est là que l’on croît
Je garde la barrière les portes les fenêtres
Du village cerclé dont brillent tous les feux
Ils ne sont pas nombreux oh douze ou treize peut-être
Les foyers qui crépitent la nuit dans les chaumières
Et ce sont tout autant de familles pour sûr
Et moi je tiens la perche qui longe la clôture
Celle qui mène au gibet où sont pendus à l’aube
Les lâches et les preux les nobles et les gueux
Tous ceux que je surveille au devoir chevillé
Un jour peut-être un jour à la grande ville j’irai
Faire valoir mon office de Garde Barillet
De garde-fou barré de garde-boue cassé
Armé jusques aux dents je garderai les gens
De dedans la limite de leur arrondissement
J’irai voir dans la zone les rôdeurs de barrières
Nouvelles fosses septiques de notre urbaine terre
Je suis le cabaret des faubourgs de barrière
où l’on danse gaiement aviné au moins cher
piquette de guinguette de derrière l’octroi
La terre n’est pas fertile mais c’est là que l’on croît
De la rue Damremont à celle de Roncevaux
Par vaux et monts marchons voyons est-ce qu’on se vaut ?
D’une barrière à l’autre j’erre et je vocifère
Paris qui se concentre en cercles de poussière
Je suis un garde-champêtre paysan laissant paître
Mon troupeau de perdrix pas perdus de Paris
La peau trempée d’oubli de Bercy à Clichy
Je trace des diagonales je traverse la ville
Paysan de Paris le gars Barret honore
L’esprit des terrains vague sans cesse se remémore
L’adolescence passée en dimanches enfumés
Où je marchais en ville tout l’esprit chantourné
Gabarres amarrées à l’Ourcq – Saint-Martin
Et bagarres chamarrées pour la Saint-Valentin
Gabarit-patronyme mon esquif a pris l’eau
Les nautes Parisii nous ont légué leur sceau
Je suis un garde barrière chantiers et voies ferrées
J’déambule sans frontière et je perds mes repères
Je suis un garde barrière un garde-fou barré
Le gardien de l’espace et du bon temps passé
Pour en savoir plus sur le projet Flow L’atelier oratoire, consulter cette page de mon site.
Du bout de ma Presqu’île, leurs mémoires me chuchotent leurs dures vécus de larmes et de rires…Eux qui ont vécu ces lieux! Merci
Merci Michelle pour ce commentaire !