Le Gibet de Montfaucon, l’horreur au cœur de Paris
Le plus grand gibet des rois de France, sur la butte de Montfaucon, est bien visible sur les cartes anciennes de la capitale. Il ne reste aujourd’hui plus aucune trace de ce monument conçu pour la pendaison simultanée de soixante condamnés, si ce n’est une discrète plaque informative du côté de la place du Colonel Fabien.
Publié le 17 avril 2018
Qui se rappelle aujourd’hui l’existence du Gibet de Montfaucon, l’un des plus sinistres édifices que Paris ait connu ? A-t-on en mémoire la forme inquiétante de ce portique massif à seize piliers dont chaque ouverture laissait voir un corps pendu ?
C’était une construction lugubre, difficile à imaginer aujourd’hui. Un bloc parallélépipédique, percé d’ouvertures où pendaient les corps. Il s’agit d’abord de fourches patibulaires en bois, dont la construction est ordonnée en 1027 par la Haute Justice du comté de Paris. Peu après 1303, Montfaucon est transformé en un monument où sont exposées aux vents et aux corbeaux les dépouilles, parfois décapitées ou démembrées, des condamnés à mort. C’est en 1416, durant la guerre de Cent Ans, à la suite de l’insurrection de Paris qu’il adopte sa forme spectaculaire de portique à seize piliers. En 1594, l’avènement du « Bon Roi Henri » et la fin des guerres de Religion le rendent désuet, mais il servira jusqu’en 1760.
Sa fortune court donc du 11e au 18e siècle. Les pendaisons étaient ordonnées sous la juridiction royale. C’était le symbole de la justice, puisque on désignait l’endroit comme les « fourches de la grande Justice de Paris ». Au 15e siècle, Villon l’évoque dans son Testament, précisément dans la Ballade des pendus où il s’adresse aux humains et s’imagine sacrifié à ces fourches. D’ailleurs, deux de ses amis Coquillards, cette bande de mauvais garçons qui avaient développé un argot mystérieux, y auraient été pendus : Regnier de Montigny en 1457 et Colin de Cayeux l’autre en 1460.
Vu l’oubli dans lequel est tombé l’édifice, on a du mal à le situer précisément. Etait-il posé du côté de Colonel Fabien, des Buttes Chaumont, ou plutôt vers Jaurès ? La butte de Montfaucon se situait entre des champs où a été tracé le canal Saint-Martin et la barrière de Combat, aujourd’hui place du Colonel Fabien. On la situe entre la rue Albert Camus et l’actuel 53 rue de la Grange-aux-Belles, au milieu d’un ensemble de grands immeubles modernes, où ont été retrouvées des traces archéologiques et un ossement humain.
C’était un spectacle public, comme la plupart des pendaisons. Les corps pouvaient être exposés pendant quelques mois, voire des années. Dans Notre Dame de Paris, Hugo le décrit comme « (…) un édifice de forme étrange, qui ressemblait assez à un cromlech celtique, et où il se faisait aussi des sacrifices. (…) Le massif de pierre qui servait de base à l’odieux édifice était creux. (…) Dans ce profond charnier où tant de poussières humaines et tant de crimes ont pourri ensemble, bien des grands du monde, bien des innocents sont venus successivement apporter leurs os (…) ».
Quant à Robert Giraud, dans le chapitre consacré au Canal Saint-Martin de Paris, mon pote, il l’évoque en ces termes : « Non loin s’élevait jusqu’en 1761, le gibet de Montfaucon, et la partie du canal qui correspond à ce souvenir désolé porte le nom de « bief des trépassés ». Ce canal, qui à cette époque n’existait pas encore, a poursuivi la tradition sinistre de ce quartier du nord-est cher à Eugène Dabit, où rares sont les raisons de trouver la vie belle…». Cette écluse est aujourd’hui baptisée l’écluse des morts.
J’aurais préféfé que la ballade des pendus soit chanté et joué au luth. comme une plainte satirique contre le pouvoir absolu des rois de France et ses victimes envoyées sans rime ni raison. Au 21ème siècle, il n’y rien à craindre.
De quelle interprétation de la Ballade des pendus parlez-vous ? Je n’ai fait qu’en mentionner l’existence dans cet article…
c’est bien que quelques érudits nous informe de ces pépites inconnus des profanes. Merci
Merci pour votre message élogieux, portez-vous bien !
Le plus sordide au Moyen Âge a quand même été la sainte inquisition
En septembre 1954, au cours de la construction d’un garage à deux sous-sols, 53 rue de la Grange-aux-Belles, on a découvert à 2,5 m de profondeur deux piliers, un pavage grossier, ainsi que les ossements de femmes enterrées vivantes au pied du gibet ! Les deux piliers ont été conservés sur place, jusqu’à la transformation du quartier dans les années 70.
Merci infiniment pour la pertinence de ce commentaire aussi précis que glaçant dans son évocation…