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Les squares et jardins du 9ème 

Une ville ne se réduit pas à un ensemble de constructions, c’est aussi un savant dosage d’espaces minéraux et végétaux. S’il est beaucoup question aujourd’hui de développement durable et de végétalisation, dès le Second Empire, Haussmann dotait Paris d’allées plantées, de trois grands parcs (Buttes Chaumont, Montsouris et Monceau) et réaménageait à sa lisière deux poumons verts, les bois de Boulogne et de Vincennes. Ce faisant, 24 squares étaient créés intra muros par l’ingénieur en chef des jardins, Jean-Charles Alphand, à l’image de celui de la Trinité et de Montholon. Après le 2e arrondissement qui ne compte que deux petits squares, le 9e est l’arrondissement le moins bien loti en espaces verts de la capitale, avec seulement 0,24 mètres carrés de verdure par habitant. On y trouve néanmoins cinq squares dont voici la description, jardin de la mairie inclus et sans évoquer les jardins privés, dont une vision satellite révèle la présence abondante dans le 9e.

SQUARE MONTHOLON par Caroline Moreau

Qu’est-ce qu’un jardin ? Comment évoluent les squares tracés à l’époque haussmannienne ou un peu avant ? Pour Michèle Quentin, auteure d’une conférence sur les parcs publics du 9e et ex-administratrice de l’association des parcs botaniques de France (APBF), à l’origine « un jardin est un dessin ». Mais « le square évolue en fonction des nouveaux besoins des riverains », comme en témoignent les jardins d’enfants et les terrains de sports aménagés dans les squares d’Anvers et Montholon.

Quant aux différences de dénomination entre les différents espaces verts, à quoi tient-elle ? Un blog consacré au quartier Bel-air a traité la question, en reprenant cette notation de Wikipédia selon laquelle « un square est généralement une petite place urbaine occupée par un jardin public ». On trouve aussi une définition dans un article sur le Paris de Montherlant : « Moins vaste, moins feuillu que le parc, le jardin tient une position intermédiaire entre le parc et le square, qui, lui, n’est qu’une place plantée d’herbe, de fleurs, d’arbustes et de quelques arbres, et traversée sans cesse par la foule. »

La morphologie des parcs et squares parisiens a bien évolué depuis leur conception au 19e siècle, dans un style paysager classique, orné de sculptures dont beaucoup ont été fondues pendant la Seconde Guerre mondiale. « Aujourd’hui, le jardin devient un lieu d’art et de biodiversité où il s’agit de planter la bonne plante au bon endroit », précise Michèle Quentin.

Le 9e évolue donc dans une perspective assez verdoyante. Ainsi a-t-on replanté en 2006 une variété de platanes dans la rue des Martyrs, des sophoras place José-Rizal en 2014. Des chênes verts ont  été mis en place rue de Provence et place Kossuth tandis que des jardinières de pleine terre ont été installées rue Manuel, perpendiculaire à la rue des Martyrs. En outre, en lien avec le budget participatif, les anciens terrains de pétanque du centre Valeyre ont été transformés en jardins partagés.

Promenade au fil des squares et jardins du 9e.

Le square Hector-Berlioz (créé entre 1841 et 1844)

Ce petit square en forme d’œuf, comme un  îlot de verdure au centre d’une place aérée, est occupé par un ensemble de jeux colorés pour les tout-petits : toboggans, cahutes, chevaux sur ressorts. Au centre s’élève, majestueuse, la statue au drapé étudié du musicien Hector Berlioz édifiée en 1948 par Georges Saupique. Le compositeur, qui y est représenté dans une posture de dandy fier, est mort au n°4 de la rue de Calais qui débouche sur le square.

Le jardin occupe une partie de la « Folie Bouëxière », une magnifique propriété qui fut transformée vers 1806 en parc d’attraction, le « Nouveau Tivoli ». En 1840, les terrains furent lotis et le jardin actuel rapidement aménagé à proximité de l’ancienne pièce d’eau de la Folie Bouëxière. Sous le second Empire, il porta le nom de « square Sainte-Hélène », car un particulier y aurait planté le rejet d’un saule, qui entourait le tombeau de Napoléon à Sainte-Hélène. Quant à Adolphe Max, qui donne son nom à la place, c’était un homme politique belge, ancien bourgmestre de Bruxelles, qui, refusant de céder aux ordres allemands sous l’occupation de 1914 à 1918, fut fait citoyen de Paris.

1, place Adolphe-Max

Le square Montholon (créé en 1863)

Étagé sur deux niveaux, le square Montholon est sans doute l’un des plus élaborés du 9e, mais aussi le plus vivant : les collégiens, durant la pause du midi, crient, exultent et s’encouragent, groupés sur une plate-forme d’où ils glissent le long d’une rampe verticale à la façon de pompiers en herbe. Il est assez rare qu’une installation ludique municipale rencontre un tel succès. Il y a aussi des tables de ping-pong, un terrain multisports (hand, basket et foot) où jouent des ados, et des bancs où des adultes lisent sous les frondaisons.

Le square faisait partie des jardins de l’hôtel particulier du bourreau de Paris Charles Sanson, qui avait fait guillotiner Louis XVI, Danton, Robespierre et tutti quanti. A l’époque, le quartier s’appelait la « Nouvelle-France ». Il est ensuite aménagé par Alphand en 1863, au moment de la construction de la rue La Fayette.

Si l’on peut toujours admirer un groupe en marbre de Julien Lorieux (1908) représentant les Catherinettes, ces célibataires de 25 ans qui devaient mettre un chapeau le jour de la Sainte-Catherine, un bronze d’Auguste Cain a disparu, fondu pendant la Seconde guerre mondiale. Il faut s’imaginer cette fontaine dotée d’une statue incroyable intitulée « Aigle et vautour se disputant un ours mort » (1895).

Au centre, deux massifs de pelouses fleuries, surmontant un muret aux branches enchevêtrées, sont entourés d’arbres d’essences diverses (aulnes, catalpas, tilleuls, paulownias, hêtre pleureur, etc.). Les grilles en fonte aux motifs en forme de cœur et les deux platanes d’Orient plus que centenaires sont le seul souvenir du jardin d’origine. L’un d’entre eux, planté en 1872, fait 32 mètres de haut et plus de 4 mètres de circonférence.

2, rue Mayran

Le square d’Estienne d’Orves (créé en 1866)

Ce square a été conçu par Alphand en écho à l’église qu’il borde : la Trinité, construite par Théodore Ballu entre 1861 et 1867, à la façade de dentelle ciselée et dont le clocher culmine à 65 mètres de haut. Symbolisant la sainte Trinité, le jardin est orné de trois statues de Duret et Lequesne, la Foi, la Charité et l’Espérance, qui, vues de face, se découpent sur les trois arcades du porche auquel mène un double escalier dominant un bassin. La perspective offerte sur les Grand Boulevards par la rue de la Chaussée-d’Antin prolonge l’église d’un tracé parfait : on distingue d’ailleurs cette dernière de l’Opéra. Comment imaginer ici les estaminets de l’ancien hameau des Porcherons, célèbres pour un vin qui faisait tourner la tête (« ginguer », donnant le nom guinguette), jadis fréquentés par les militaires de la caserne Saint-Lazare ?

La pelouse centrale et le bassin sont entourés, d’un côté par des sentiers de promenade dotés de jeux d’enfants, de l’autre par une pierre tombale à médaillon à la mémoire du capitaine de frégate Honoré d’Estienne d’Orves, fusillé au Mont Valérien le 29 août 1941. On y trouve des camélias, des magnolias, des hortensias et un remarquable ptérocarya du Caucase (1862) de 26 mères de haut.

1, place d’Estienne d’Orves

Le square d’Anvers (créé en 1877)

Ouvert en 1877, aménagé sur les terrains de l’ancien abattoir de Montmartre détruit en 1866, le square d’Anvers a été dessiné par l’architecte Formigé, sous l’autorité de l’ingénieur Alphand. Sa forme purement rectangulaire pourrait retrouver l’étymologie du mot issu de l’anglais square (carré), dérivant lui-même du français esquarre. Le jardin est bordé à l’ouest par l’imposant bâtiment du lycée Jacques-Decours et au sud par la chic et boisée avenue Trudaine, coupée en son mitan par la rue Turgot qui offre une parfaite perspective vers le sud.

Depuis sa rénovation en 2006, une allée serpente comme la pelouse qu’elle borde, dominée par un charme, en remontant vers le Sacré-Cœur. Tous les attributs du parc actuel y sont réunis : ancien kiosque à musique, jardin d’enfants, cage métallique multisports dont les filets protègent les promeneurs de sorties de ballon intempestives, terrain de pétanque, table ronde entourée de tabourets, « espace FreeTness » réservé aux plus de 14 ans, babyfoot, manège en forme de roue mobile très prisé des enfants. Tous les âges s’y retrouvent, enfants, ados, adultes, seniors, chacun semblant s’être approprié son coin, y compris les oiseaux puisque c’est un refuge pour la biodiversité.

De très nombreux arbustes à fleurs mellifères changent de couleur selon les saisons : forsythias, millepertuis, spirées, berbéris, weigélias, ou des buddléias surnommés « arbres aux papillons ».

10 bis, avenue Trudaine

Le square Alex Biscarre (créé en 1964)

La place Saint-Georges est l’une des plus jolies de Paris par son aspect à la fois spacieux, circulaire et incliné. Au centre se dresse une statue étonnante de Puech et Guillaume, le buste de Gavarni, peintre des Lorettes, posé sur une fontaine où s’adossent ses jolies créatures. De part et d’autre de la rue Notre-Dame de Lorette, des hôtels particuliers se font face, dont celui de la Païva, une demi-mondaine qui allait devenir une courtisane adulée sous le Second Empire, construit en 1840 par l’architecte Renaud dans un style gothique et Renaissance. En face, donc, l’hôtel Thiers qui abrite aujourd’hui la bibliothèque de l’Institut de France, fut détruit pendant la Commune, puis reconstruit entre 1873 et 1875 par Alfred Aldrophe qui édifia les deux ailes de la mairie. Il jouxte le théâtre Saint-Georges qui joue des comédies à succès et des pièces de boulevard.

En amont de la place, le promeneur ne remarque habituellement pas ce petit jardin de 1 180 m² créé en 1964 et qui porte le nom d’un ancien conseiller de Paris, Alex Biscarre. Il doit son charme à la disposition de biais de l’hôtel particulier auquel il est adossé. Petit, mignon, il semble observé par les yeux sévères et les figures torturées des trois mascarons de la façade, sous un fronton antique. Sa pelouse ovale est cernée d’un chemin bordé de bancs. Il est doté d’un joli préau au toit d’ardoise qui semble avoir abrité un lavoir, et d’un petit jardin d’enfants très animé, ainsi que d’un mur en trompe l’œil strié de treillis vert. De nombreuses espèces d’arbres y sont réunies : hêtre pourpre, pins noirs d’Autriche, peupliers, bouleaux, érables, magnolias, marronniers à fleurs rouges et à fleurs blanches. Comme l’hôtel particulier, le jardin appartient toujours à l’Institut de France qui le met à la disposition du public, dans le cadre d’une convention avec la Ville de Paris.

31, rue Notre Dame de Lorette

Le jardin de la mairie du 9e (créé en 1983)

Inscrit au titre des Monuments Historiques, l’hôtel d’Augny, qu’occupe la mairie du 9e, fut construit en 1748 et acquis par la Ville de Paris en 1848. De part et d’autre du bâtiment principal, s’avançant dans la longue cour qui accueille le visiteur, deux ailes ont été construites en 1885 et 1890 par l’architecte Aldrophe (1834-1895). Derrière l’hôtel d’Augny se cache un jardin pourvu d’un troène asiatique planté en 1996, avec deux parterres à la française (une décoration florale saisonnière et un potager) bordés de buis, entre lesquels on aperçoit des plantes saisonnières : pétunias, impatiences, géraniums, œillets, pâquerettes. Une vigne palissée dissimule la verrière. Le jardin actuel, ainsi que les treillages ornementaux en bois de couleur bleue ont été créés en 1983, lors d’une campagne de restauration. On y découvre aussi une statue de l’écrivain russe Ivan Tourgueniev et des chaises en lattes galbées d’aluminium gris mat, sur le modèle de celles créées pour le jardin Luxembourg.

6 Rue Drouot

 

4 Commentaires

  1. Grégoire Clemencin

    Je pense qu’une intégration est tout à fait possible.
    Le site la propose sous la forme d’un iframe :

    (Cf. le bouton « Incorporer sur votre site » qui apparaît lorsqu’on demande l’affichage pleine page de la photo.)

    Réponse
    • Julien b

      Merci pour votre commentaire et ce lien vers la photo ancienne de Marville, qu’en effet je ne connaissais pas. Hélas il semble qu’on ne puisse pas mettre cette photo sur un site, vu la restriction de son droit de reproduction…

      Réponse

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Horaires d’ouverture des squares
– Du 1er octobre au 30 avril : Lundi à vendredi : 9h30 – 17h
Samedi et dimanche : 9h 17h
-Du 1er juin au 30 septembre : Lundi à vendredi : 8h – 21h30
Samedi et dimanche : 9h – 21h30
Vérifier sur http://parcsetjardins.equipement.paris.fr/tousleshoraires

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