Le mythique passé de l’impasse des Arbalétriers
Dans une allée fermée par une grille, au 38 rue des Francs-Bourgeois, une vue médiévale s’offre aux flâneurs.
Certaines images racontent plusieurs époques. C’est le cas de cette photo de l’impasse des Arbalétriers prise par Eugène Atget (1857-1927) qui cartographia la capitale d’une façon à la fois documentaire et pittoresque. Tandis que les travaux haussmanniens de démolition, terrassage et reconstruction bouleversent le paysage urbain, il capte des vestiges du vieux Paris avec un certain goût des ruines.
C’est toute une histoire municipale que révèle le nom même de la voie, allée des Arbalétriers, ainsi baptisée car elle menait à un champ de tir à l’arbalète, quand la rue des Arquebusiers voisine rappelle la présence du terrain d’entraînement de la Compagnie des Arquebusiers.
Si l’allée est devenue impasse, fermée par une grille qui en prive l’accès aux promeneurs de la rue des Francs-Bourgeois, son nom rappelle un temps où le Marais était pauvre et marécageux, avant que les aristocrates n’y bâtissent leurs hôtels particuliers au début du 17e siècle. Impression renforcée par une anecdote macabre : c’est dans ce passage* que le duc de Bourgogne Jean sans Peur fit assassiner en 1407 son cousin et rival le duc d’Orléans, frère du roi Charles VI, alors que celui-ci venait de rendre visite à la reine Isabeau de Bavière à l’hôtel Barbette. Assassinat qui va plonger le royaume de France dans la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.
Aujourd’hui, la rue des Francs-Bourgeois est la plus bourgeoise qui se puisse concevoir, dans ce quartier du Marais grouillant de majestueux hôtels et de boutiques tendance. On ne trouve plus de charrettes dans l’impasse des Arbalétriers, les plots et les arceaux empêchent les importuns de s’y installer, à moins qu’on n’y gare mieux son vélo. Demeurent les encorbellements des façades aux lucarnes protégées de barreaux, qui donnent un air médiéval et un peu vétuste à cette impasse toujours pavée.
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* Selon Agnès Lavoye, chargée des publics et de la communication à la tour Jean-sans-Peur, le meurtre de Louis d’Orléans par Jean sans Peur n’aurait pas eu lieu allée des Arbalétriers, mais au croisement de la rue Barbette et de la rue Vieille-du-Temple, non loin de là.
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