Les Brigades Vertes,
entre le Sahel et Clichy-la-Garenne
Si le projet originel de l’association vise à reboiser les écoles au Sénégal, les Brigades vertes participent aussi à la végétalisation des écoles de Clichy-la-Garenne (92), pour sensibiliser les enfants à la biodiversité. Rencontre, dans leur jardin associatif clichois, avec leur « tête pensante » à la main verte : Stéphane Fall.
Publié le 9 novembre 2019
Non, il ne s’agit pas des Brigades rouges, cette organisation terroriste italienne, ni des Brigades du Tigre Clémenceau qui donneront naissance à la police judiciaire moderne. Mais bien des Brigades Vertes, comme un oxymore associant une dimension martiale à un impératif écolo. Paradoxe qu’incarne bien son fondateur, Stéphane Fall, Franco-sénégalais de 55 ans, grand connaisseur des plantes, passé par la Sorbonne, l’armée, qui a parcouru la Normandie et le Cayor, un ancien royaume du Sénégal.
Voici un personnage singulier, à la personnalité complexe, issu par son père d’une lignée de Wolofs dont il possède un arbre généalogique aux racines fort lointaines, et par sa mère d’une famille clichoise (on disait jadis clichienne) installée là de longue date et dont on trouve les sépultures au cimetière nord de la ville. Tout comme d’autres habitants, sa grand-mère a jadis fait soigner ses enfants au dispensaire de la rue Maurice par le Dr Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline. A la fois féru de botanique et lecteur de la pensée heideggerienne ou pascalienne, Stéphane Fall est capable de parler de Faidherbe, ancien gouverneur du Sénégal, de la flore mellifère ou des présocratiques. Mais il est avant tout artiste. Il a d’ailleurs créé avec Eve Fouquet le Collectif Map Monde, à l’appellation sibylline de « Géocrasycophantes », qui transforme positivement la figure athénienne du délateur sycophante en vigie chargée de défendre le monde végétal. Le collectif envisage le travail de l’artiste comme indissociable de l’environnement et du développement durable. Il s’est récemment illustré lors de quatre expositions, dont une à l’Unesco.
Lutter contre la désertification
C’est en septembre 2005 que l’association les Brigades Vertes a été officiellement créée par Stéphane Fall et Fabien Tournan, son partenaire de toujours, même si les activités ont débuté sept ans plus tôt. Dès le départ, l’idée est de lutter contre la désertification au Sahel et en particulier au Sénégal, de contribuer à la préservation des espaces naturels et à l’éducation des jeunes. Les Brigades ont ainsi créé deux pépinières au Sénégal, à Mboro et à Saint Louis. En témoignent ces images mises en musique ou ce film sur leur projet à l’école élémentaire de Thilène. En 2009, ils reboisent le Prytanée Militaire de Saint-Louis au Sénégal, dont un autre film témoigne. En 2011-2012, ils entreprennent un voyage au Maroc pour créer une niche écologique et planter 1000 arbres sur le domaine du philosophe Edgar Morin et de sa femme.
« On s’est donné comme parti-pris de faire de la coopération décentralisée avec le Sénégal, explique Stéphane Fall. On a reboisé 75 écoles là-bas, travaillé avec des communautés rurales et avec les principales entités écologiques, en particulier celle de M. Haïdar El Ali, ancien ministre de l’environnement et ancien directeur de l’Oceanium de Dakar, qui a rencontré récemment les maires adjointes de Clichy aux questions environnementales, Mmes Delacroix et Terrini ». L’homme a actuellement pour mission de reverdir la partie sénégalaise de la Grande muraille verte (GMV), qui s’étend sur 535 km et dont la plantation a commencé en 2008. « Nous sommes aussi proches de M. Mansour Ndiaye, président de l’association pour la promotion de l’agroforesterie (APAF) qui fait la promotion des arbres fertilitaires ». Des arbres capables de capter l’azote dans l’air et de le restituer au sol, à l’image des acacias, par exemple. L’enjeu est important : à terme, cela permet de ne plus recourir aux engrais chimique dans les cultures.
Au jardin Ferdinand-Buisson
Mais l’association est aussi ancrée à Clichy, où elle a créé un jardin pédagogique pour les enfants des écoles et des centres aérés, un petit coin de nature également ouvert aux adultes. On y vient jardiner, composter, trier ses déchets, ou pratiquer des activités artistiques. Le jardin, situé rue Ferdinand-Buisson, en face de l’école Louis-Pasteur, est ouvert à tous le samedi de 10h à 13h.
C’est justement là que je rencontre Stéphane Fall, samedi 17 août, par une matinée pluvieuse. « On a accueilli ici 1 500 poulbots depuis deux ans, sans compter les Clichois qui viennent ici apporter leur compost. » Le jardin a été créé en 2012 et pendant deux ans, en l’absence Stéphane parti au Sénégal, Claudette Folschweller en a assuré l’accueil et l’entretien.
« Aujourd’hui les menuisiers sont à l’œuvre », plaisante Stéphane en avisant quelques bénévoles dont Kamel et Françoise, occupés à dépiauter des palettes pour en faire des jardinières destinées, entre autres établissements, à l’école Jean-Jaurès. Elles seront ensuite nourries en substrat pour y faire pousser des plantes à la hauteur des enfants. « Ça ajoute de la surface cultivable dans les jardins et ça permet de multiplier les plantations », explique Stéphane. Kamel travaille pour la mairie de Clichy et il se sent reconnaissant à Stéphane de lui transmettre son amour des jardins. « Ça fait une semaine qu’on est sur l’école maternelle Jean-Jaurès, où l’on a refait tout un jardin potager. Vendredi, au cours d’une belle journée, on a reçu ici dix élèves de 5 à 8 ans qui ont commencé à planter des fraisiers, des tomates. Mais on a aussi un nouveau projet pour les personnes âgées avec la fondation Roguet, un hôpital qui possède un grand jardin, auquel on souhaite associer les occupants. »
Programme adapté aux enfants
Claude s’affaire à planter des ipomées le long du grillage. Françoise, elle, s’occupe d’aménager et de cultiver une parcelle toute proche, ouverte récemment dans cette même rue Ferdinand-Buisson. Et voici Béatrice, membre de l’association depuis cinq ans, qui s’est réfugiée dans la cabane alors que la pluie bat son plein : « Je m’occupe de l’agencement des parties collectives du jardin. J’accompagne les personnes dans leur souhait d’être proches de la nature, en leur indiquant par exemple où il faut couper ou tailler quand ils ne le savent pas. On a une ligne directrice sur les plantations, car c’est un jardin à visée pédagogique, pour que les enfants des écoles découvrent la biodiversité. » L’association adapte son programme à l’âge des enfants : un tour du jardin pour les plus jeunes, des explications sur les plantes comestibles, le compost ou le respect des bêtes pour les autres, grâce à la présence d’un abri à insectes et d’un arbre à abeilles. Mais c’est aussi un lieu de rencontres pour les habitants de la ville.
« Plusieurs espaces-jardins font d’ores et déjà l’objet d’une collaboration avec d’autres entités associatives, précise Stéphane. C’est le cas de l’association SFM de Clichy avec laquelle un jardin pédagogique a vu le jour rue du Maréchal de Lattre de Tassigny, près des berges de Seine. On a aussi établi des échanges fructueux avec les personnes travaillant dans les jardins partagés de la commune sur les allées de l’Europe. Nous cherchons à multiplier ces initiatives, tant en milieu scolaire qu’en milieu public ».
Sites de compostage
L’association va proposer à la municipalité un programme pour mettre en place des sites spécifiques de compostage. Une quinzaine de composteurs sont déjà actifs (association SFM, jardins Ferdinand Buisson 1 et 2, école maternelle Jean-Jaurès, crèche Le Livre d’image, café associatif Kamu, ainsi que dans quelques jardins privés).
Soucieux de citer les autres, Stéphane mentionne d’autres bénévoles absents en ce samedi pluvieux : Virginie, Sybilla, Philippe, Nadine, Élodie, Suzy, Christelle, Alexandre qui résout les problèmes techniques, ou Jaf, un artiste du collectif Map monde dont une partie des revenus bénéficie à l’association pour poursuivre le reboisement à Clichy, au Sénégal ou au Maroc. De même, les Brigades vertes sont à l’initiative de jumelages entre des écoles de Clichy et des écoles au Sénégal.
A l’heure où la préservation de la planète est dans toutes les consciences, des liens et des racines se nouent toujours plus profondément entre Saint-Ouen et l’Afrique, celles de Stéphane Fall qui fait de sa propre généalogie un arbre de solidarité bien réel, dont les graines donneront naissance à un monde plus vert.
PS : Stéphane Fall tient à remercier la Ville de Clichy et les partenaires locaux, ainsi que les établissements scolaires qui ont apporté leur soutien à cette croisade pour un monde meilleur. FC Telecom, La Fondation Véolia Environnement, CSF Clichy, Emulation, Oceanium Dakar APAF Sénégal, Bionoor, EPLS Saint-Louis, Attaya Galerie, Goznav Jungle qui achalande l’association en semences exotiques tropicales depuis la Guadeloupe, et tout dernièrement La Fondation Truffaut. Enfin, il adresse un salut fraternel à ceux qui ont accompagné cette aventure : Seydou Diallo, Michèle Gardner Smith, Özgür Kaya, Jean-Pierre Chapeau, Véronique Adde Vidal, Sophie Lamotte, Nadine Jeanne, Christophe Duberos, Jean de Boysson, Modou Diongue, Mbol et Cheikh Ndiaye, Dominique Dervieux, Laure Malécot, Aminata Fall Niang, Thiendella Diagne, Ismaël Grandet, Moussa Sène, Dominique Bauwens, Charles Camara, Philippe Alcantara, Zeus, Yvonne Fall, Nadine Jeanne, Gilles Catoire, ancien maire de Clichy, Mercedes, Fabien Tournan et Jeremie Serin, Ali Haïdar, Hadj Khelil, Franck Chevalier, Ali Assad de NEA (New Energie For Africa), Manuel Allamellou et Léon Diop, René Bancal, Gaston Madeira, Daniel Rippert, l’Equipe de Ndox 2009, la fondation de la pépinière de Mboro, le Campement des Niayes, Aminata, Nicolas, Claudette et tant d’autres encore…
Cela résume bien l’histoire de l’association
J’ai remarqué une faute « kamel…son amour » il n’y a pas de T à « son »
Bien à vous
En effet, merci pour cette utile précision !
Fantastique Stéphane, un bel hommage à tout ton travail. Content de continuer à travailler avec toi dans la vallée du fleuve Sénégal, alliant ensemble santé pédiatrique et reboisement de nos écoles.
A tous, les Brigades Vertes ont besoin de votre soutien financier. Ils font des miracles avec peu mais ce peu n’est parfois pas toujours là.
Centre de Recherche Biomédical EPLS. SAINT LOUIS, SÉNÉGAL.
toutes ces initiatives sont généreuses et intelligentes, créer des endroits en ville où la nature reprend ses droits, rassemble les personnes, beau reportage