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De Saint-Denis à la Chapelle :
la géographie parisienne de Paul Eluard

Enfant de Saint-Denis, cette ville à laquelle il fut toujours attaché, le poète Paul Eluard a passé la plus grande partie de sa vie à la Chapelle. Exploration psychogéographique de son parcours.

Publié le 21 juin 2023

C’est une existence qui débute le 14 novembre 1895 à Saint-Denis et qui s’achève le 18 novembre 1952 avenue de Gravelle, à Charenton-le-Pont, face au bois de Vincennes. Une aventure humaine qui trouve son centre de gravité dans le quartier de la Chapelle, au nord de la capitale, et dont la colonne vertébrale est le chemin emprunté par les Rois, de la basilique de Saint-Denis à Notre-Dame, suivant la rue de la Chapelle et la rue Saint-Denis.

Dans le documentaire « Portrait souvenir » diffusée sur la RTF en 1964, le poète Claude Roy rappelle qu’Eluard “tenait beaucoup à être un enfant de Paris, un enfant de la banlieue parisienne, un enfant de ces banlieues noires de Saint-Denis où son père avait été marchand de biens”. Et il évoque quelques noms de rues baptisées par Eluard dans les lotissements qu’aménageait son père au nord de l’ancien département de la Seine. Saint-Denis compte grâce à lui, dans un quartier voisin du parc de la Courneuve, des rues Gérard-de-Nerval, Guillaume-Apollinaire, Jacques-Prévert et la seule rue portant en France le nom de Jacques-Vaché, ce personnage que Breton tient pour fondateur du surréalisme. Plus loin, entre le Canal Saint-Denis et la cité des Francs-Moisins, il a baptisé une rue Germain-Nouveau et une rue Charles-Cros. Enfin, un quartier d’Aubervilliers voisin de la Courneuve a également été renommé par Eluard, qui inscrit ainsi dans la ville les noms des poètes Lautréamont, Baudelaire, Rimbaud et Alfred Jarry, inventeur de la pataphysique. Aujourd’hui, en retour, Paris a inscrit une place Paul-Eluard et Saint-Denis une rue Paul-Eluard, non loin des adresses où il habita – cela sans compter toutes les rues qui, en France, portent son nom.

Le nom de Paul Eluard n’apparait qu’en 1916, lorsque le jeune Eugène, Emile, Paul Grindel l’inscrit au fronton d’une brochure polycopiée à 17 exemplaires, Le Devoir. Après deux premiers recueils publiés sous son nom patronymique, il choisit d’accoler son 3e prénom au nom de jeune-fille de sa grand-mère maternelle. Comme une déclaration d’existence poétique.

Cette histoire commence donc avec la volonté de topographier et de légender l’espace urbain en y inscrivant le nom des poètes. Loin d’être anecdotique, cette démarche épouse ce vœu cher à Eluard de faire partager la poésie au plus grand nombre – de concevoir une poésie pour tous et par tous, incarnée et adressée. Car pour lui, “le langage c’est le langage de tous” et “chanter c’est chanter pour tous”, commente le critique Pierre Emmanuel. En d’autres termes – ceux du poète Jean Marcenac rendant compte de la thèse de Colette Guedj sur Eluard et la linguistique -, il incarne le lieu et le lien “qui noue son dire avec le langage de tous”. Cette poésie s’énonce avec des mots d’autant plus puissants qu’ils sont simples, essentiels. Et si cette langue côtoie le cliché, elle agit avec un pouvoir de déclaration et d’évocation qui crée l’assentiment devant l’évidence.

“Je parle de ce qui m’aide à vivre, de ce qui est bien”, déclare Eluard aux jeunes artistes espagnols, à Barcelone en 1936, lors d’un discours inaugurant une rétrospective de Picasso. Et il conclut un poème poignant de 1944, Les Armes de la douleur, en disant :

Je dis ce que je vois
Ce que je sais
Ce qui est vrai

Réunissant Paris et la banlieue, un caractère populaire et une élégance princière, le verbe des poètes et le langage de tous, Eluard se tient là, avec nous, et il parle un langage sans afféterie rhétorique, porté par la seule force du partage, l’amour du prochain. En somme, le gout du beau, du bon, du bien.

Dans la vie de Paul Eluard, il y a les femmes, Gala, Nusch, puis Dominique. Il y a aussi les combats : le communisme, le pacifisme, la lutte contre le racisme ou l’antisémitisme. Enfin, il y a la ville, et en particulier certains lieux qui semblent avoir constitué sa sensibilité, son paysage mental : Saint-Denis, Aulnay-sous-Bois, La Chapelle surtout, un quartier populaire de Paris qui échappe encore, de nos jours, à l’embourgeoisement. Un carrefour où souffle le vent du large.

Géographie parisienne du surréalisme

S’il existe une géographie parisienne du surréalisme, comme je l’ai déjà évoqué ici et , c’est celle des boulevards, de la Seine, des parcs, des lisières, des terrains vagues et des gares. Elle s’accommode bien de ce 10e arrondissement, désigné par Léon-Paul Fargue comme “un quartier de poètes et de locomotives”, avec ses deux gares formant deux tranchées entre lesquelles des ponts et passerelles se jettent comme des bras. Ces voies ferrées se prolongent dans l’est du 18e arrondissement qui abritait encore récemment les derniers vestiges de zone intra muros. Entre les deux voies ferrées, précisément à l’endroit que j’ai baptisé sur Google Maps « passerelle poétique » et qui relie deux tronçons de la rue Philippe-de-Girard séparés par le vide, j’ai toujours rêvé de m’établir une journée entière avec une petite chaise et une table pour écrire ce qui s’y passe, à la manière dont Perec a procédé place Saint-Sulpice pour sa Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. J’accomplirai un jour prochain ce projet en suspension au-dessus des rails, parcelles de no man’s land incluses dans la ville. Chaque jour, la gentrification gagne ce quartier proche du 43 rue Louis-Blanc où la famille Grindel a vécu entre 1910 et 1912, comme en témoigne la caserne transformée en tiers-lieu face à la tranchée ouverte aux possibles.

Si l’on pointe sur une carte les diverses adresses d’Eluard, entre Saint-Denis et son quartier de La Chapelle, si l’on relie ces points à la façon d’un jeu enfantin, alors on voit se dessiner ce cardo, comme l’indique la carte que j’ai établie avec la liste de ses demeures parisiennes. Prenons la maison de naissance de Paul Eluard à Saint-Denis, puis l’appartement de rue Ordener où il a vécu durant sa jeunesse, voisin de celui de la fin de sa vie, rue La Chapelle : alors on voit que ces points se situent de part et d’autre du périphérique, disposés selon un axe nord-sud suivant la lunaire avenue dyonisienne du Président-Wilson et son souterrain autoroutier puis, à Paris, la rue de la Chapelle et la rue Marx-Dormoy qui se jette dans le faubourg Saint-Denis. Plus ancienne voie parisienne, ce cardo maximus qui se poursuit en un chemin tortueux, l’Estrée (déformation de via strata, ancienne voie pavée gallo-romaine), emprunte une route royale qui passe par trois lieux saints, dont une église méconnue à la façade sombre, Saint-Denys de la Chapelle.

Amitié géographique

Comment la géographie détermine-t-elle une amitié poétique, à travers une commune sensibilité de poètes et d’humains ? La relation qui lie Breton à Eluard, à travers une communauté de pensée, ne me semble pas fortuite. Ils ont grandi, l’un à Pantin, l’autre à Saint-Denis, Aulnay et Paris, pour venir habiter, adultes, dans le nord de Paris (l’un rue Fontaine, l’autre rue La Chapelle), là où se prolongent leur itinéraires de jeunesse. Enfant, le tram dépose André Breton à la station Rome (à moins que ce ne soit le métro), à côté du lycée Chaptal qui borde la voie ferrée de Saint-Lazare. Eluard, lui, étudie au lycée Colbert qui borde la voie ferrée de l’est. 

Suivant l’ancienne rue de Saint-Denis, son faubourg et le chemin d’Estrée, le quartier de la Chapelle est une étape entre le cœur de Paris, cher aux surréalistes, et la ville natale du poète, Saint-Denis. De même, le quartier de la gare de l’Est, si prisé par Breton, prolonge le Pantin de son enfance, l’avenue Jean-Lolive, ex-rue de Paris où Breton emménage avec sa famille à 4 ans, poursuivant précisément l’axe de la rue Lafayette.

Eluard, comme Breton, est issu des classes moyennes. Son père, Emile Grindel, est comptable avant de suivre une formation pour apprendre le métier de lotisseur qui va lui valoir une certaine fortune. Sa mère est couturière. Ses grands-parents eux-mêmes, tant paternels que maternels, sont originaires de Saint-Denis. C’est un enfant du pays, attaché à cette ville qui resurgit de loin en loin au fil de sa vie. Par exemple, à titre anecdotique, à travers la maquette de sa mairie qui apparaît dans un film de propagande du PCF de 1949, L’homme que nous aimons le plus, dont le poète a écrit le script et assure la voix off, entonnant avec enthousiasme cette exclamation glaçante a poseriori : “A ta santé, Staline !”.

Les adresses de Paul Eluard

Dans Les demeures du temps retrouvé, Albert Fournier, collaborateur de la revue Europe, a listé avec une méticulosité obstinée la totalité des demeures où a vécu Paul Eluard. En voici quelques-unes :

Eugène Grindel est né au 46 boulevard de Châteaudun à Saint-Denis, aujourd’hui boulevard Jules-Guesdes, où la famille vit de 1895 à 1897. L’immeuble est situé juste en face de l’église Saint-Denys de l’Estrée, du nom de l’ancienne voie pavée reliant Paris à Saint-Denis, et non loin de l’actuel théâtre Gérard-Philipe. C’est dans cette église qu’Eluard se fait baptiser en vue du mariage avec Gala, rencontrée au sanatorium de Clavardel en 1912, qui sera célébré en ces lieux en 1917. Cet immeuble aujourd’hui vétuste fait partie d’un pâté de maison adjacent à la rue de la République de sinistre mémoire, puisque l’immeuble du logeur de Daesh, criblé de balles par la police lors des attentats de 2015, y affiche toujours sa piteuse façade mille fois trouée (plus exactement 1500 fois). De 1897 à 1899, la famille loge rue Catulienne, à Saint-Denis toujours, .

En 1899, la famille Grindel s’installe à Aulnay-sous-Bois où elle va demeurer huit ans, d’abord boulevard de Gourgues, puis 4 bis rue du Quatre-Septembre, en 1906-1907.

En 1908, alors que Paul Eluard a 12 ans, c’est le grand saut à Paris : la famille loge d’abord au 58 rue du faubourg Saint-Denis en 1908-1909, puis au 43 rue Louis-Blanc entre 1910 et 1912. Et c’est en 1912 que les parents du poète, y compris la grand-mère, emménagent au 3 rue Ordener, au coin de la rue de la Chapelle. Mais comme il tombe malade, Paul va être soigné dans un sanatorium de Davos où il rencontrera sa future femme, Gala. Lorsque survient la guerre, il est engagé en tant qu’infirmier dans le corps sanitaire, puis comme soldat. Profitant de trois jours de permission, il se marie avec Gala en 1917 à la mairie du 18e arrondissement. Il n’habitera que plus tard l’appartement de la rue Ordener, après la naissance de la petite Cécile en 1918 à Bray-et-Lû, à la limite entre le Val d’Oise et l’Eure.

Avant de revenir à Paris, où Breton lui trouve un atelier à l’étage de son appartement du 42 rue Fontaine, qu’il occupera épisodiquement entre 1924 et 1931, c’est dans des maisons familiales du nord et du nord-ouest de Paris que Paul, Nusch et leur fille s’installent. En 1922, 3 bis rue Chaussée à Saint-Brice-sous-Forêt, dans une maison aujourd’hui délabrée – mais promise à la restauration – bien visible sur Google Street View. Puis, en 1924, à Eaubonne, 4 avenue Hennocque. Le peintre Max Ernst, sa femme et son fils y passent de longs séjours, après qu’Eluard et lui ont entretenu une correspondance féconde. Le poète illustre de ses vers les œuvres du peintre dont il avait organisé en mai-juin 1921 l’exposition de collages à la librairie Au Sans-Pareil, avec André et Simone Breton. Enfin, de 1923 à 1940, Paul et Nusch vivent dans une maison-château à Monlignon, proche de Montmorency.

En 1924, juste après avoir publié un recueil au titre mystérieux, Mourir de ne pas mourir, Eluard fera une fugue qui laissera ses amis sans réponse (fuite, suicide, tour du monde ?). Ce titre résonne d’un écho étrange avec un poème de Sainte Thérèse d’Avila, rénovatrice de l’ordre des Carmélites, dont quelques vers sont inscrits dans un couloir du musée d’histoire de la ville de Saint-Denis, abritant un fonds consacré au poète et installé dans un ancien couvent de carmélites : “Je vis sans vivre et j’attends une vie si haute que je meurs de ne pas mourir”.

Entre 1940 et 1950, à la fin de sa brève existence, Paul Eluard retrouve son quartier d’enfance, La Chapelle, où son œuvre poétique vibre d’un air singulier. Il s’installe avec Nusch dans un appartement du 35 rue de la Chapelle, tout proche de celui de la rue Ordener où vit encore sa mère. L’immeuble est évoqué par Brigitte Benkemoun dans Je suis le carnet de Dora Maar. “De tous les amis du carnet, il est le seul à vivre dans ce Paris populaire qu’il a baptisé “mon beau quartier”. Enfant de la banlieue nord, il prétend s’y sentir bien”. Oui, je suis sûr qu’il s’y sent bien, c’est le quartier de son enfance. Mais l’époque est à la guerre, Nusch et lui doivent se cacher. Et la misère du Paris de cette époque transpire dans ces vers :

Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C’est l’air pur c’est le feu
C’est la beauté c’est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d’une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux

Eluard à Saint-Denis

Et aujourd’hui ? La ville de Saint-Denis abrite un certain nombre de lieux portant le nom de Paul Eluard. Une école maternelle, un lycée, une station de tram, une cité d’habitations, une rue et une place. L’orfèvrerie Christofle, qui accueille aujourd’hui des ateliers d’artisans et d’artistes, conserve aussi une assiette réalisée avec un dessin de Picasso et un vers d’Eluard. Quant au grand lycée Paul-Eluard, il sera inauguré le 29 mai 1965 par son ami Louis Aragon, également communiste et attaché à Saint-Denis, auteur d’un magnifique discours pour l’occasion. Comme le souligne le spécialiste Olivier Barbarant, auteur d’une conférence intitulée “Aragon et Eluard, deux frères en écriture” : l’un et l’autre ont changé de nom comme on change de lieu, pour renaître et effacer le père. Changer d’identité, n’est-ce pas un préalable au destin de poète ? Pour finir, la ville de Saint-Denis abrite un musée historique et patrimonial qui porte, depuis 2019, le nom de Paul Eluard…

Le musée Paul Eluard

Le musée d’art et d’histoire Paul Eluard a été inauguré en 1981, l’année de l’élection de François Mitterrand, dans un ancien couvent de carmélites. Sur un lieu de fouilles gallo-romaines est bâti un carmel au début du 17e siècle, premières pierres de l’église posées en 1628, peu après le couvent de Carmélites déchaussées fondé en 1603 rue Saint-Jacques. En 1779, Louise de France, septième fille de Louis XV qui s’est vouée à la vie carmélite, fait bâtir une chapelle qui servira de palais de justice entre 1895 et 1993. La ville rachète le carmel en 1972 et y mène des travaux préparant l’inauguration du musée en 1981, auparavant installé dans l’ancien Hôtel-Dieu depuis sa fondation en 1899. Il reçoit le legs de Paul Eluard dès 1951, juste avant sa mort, et devient officiellement en 2019 le musée d’art et d’histoire Paul Eluard. A trois reprises (24 juin, 9 juillet et 16 septembre 2023), j’y propose un parcours sur la forme brève visant à mettre en perspective les proverbes chers au poète, les sentences inscrites aux murs du couvent pour inciter à la méditation, et les punchlines d’artistes dionysiens plus contemporains : Grand Corps Malade et NTM, dont la carrière a débuté dans des lieux tout proches du musée : la salle Ligne 13 et le Café culturel. En somme, ce musée offre un condensé d’histoires diverses (fouilles archéologiques, carmel, fonds sur la Commune de Paris et fonds Eluard) et de hasards objectifs auxquels j’ajoute quelques cailloux.

Qu’est-ce qui m’autorise à faire de tels rapprochements ? D’abord, une démarche rhétorique qui voit dans le recours à la forme brève un mode d’expression concis, percutant et spirituel qu’on qualifiait hier de sentences, aujourd’hui de punchlines. Ensuite et surtout, la parole d’Eluard lui-même. Outre sa volonté de rendre la poésie accessible à tout le monde, il affirme que les poètes d’hier nourrissent ceux d’aujourdhui, dans un “devenir infini” où “tout est comparable à tout”.

Extrait d’une conférence prononcée en 1938 pour la radiodiffusion, sur les “nouveaux frissons” de l’atmosphère intellectuelle française de 1830 au début du 20e siècle (publié dans la revue Europe en 1982) :

Le temps n’est plus, pour reprendre l’expression de Baudelaire, de ces “raisonneurs si communs, incapables de s’élever jusqu’à la logique de l’Absurde”. Avec Lautréamont et Rimbaud, tout est comparable à tout, tout trouve son écho, sa raison, sa ressemblance, son opposition, son devenir partout. Et ce devenir est infini”.

C’est pour révéler cette puissance poétique atemporelle que j’ai voulu relier les sentences du carmel à ce goût du proverbe qu’Eluard a cultivé toute sa vie, avec les onze haï-kaïs composés en 1920, quand paraissait la revue Proverbe créée avec Jean Paulhan, les 152 Proverbes mis au goût du jour compilés et rédigés avec Benjamin Péret (1925), jusqu’à ces recueils de pensées qu’il n’a cessé de collecter sur de grands cahiers, dont j’ai eu la chance de voir quelques-uns grâce à l’ancienne directrice du musée, Anne Yanover. Qu’il s’agisse des citations de Balzac, des poèmes de Picasso, ou de tout un choix de sentences extraites d’auteurs qu’il admirait, Eluard n’a cessé tout sa vie, d’une manière assez classique, de compiler les citations les plus fortes. Ainsi en témoignent son Anthologie des écrits sur l’art et ses Réflexions et pensées d’Honoré de BalzacCe projet éditorial mené par Eluard dans la perspective de publier le 2e numéro de L’Eternelle revue, sorti en février 1945, témoigne de l’influence qu’a pu avoir Balzac sur les surréalistes. Ainsi le poète n’est pas seulement un poète, il est aussi un chercheur, comme me le faisait remarquer Henri Béhar, tandis que Georges Sebbag soulignait la dimension aussi bien individuelle que collective des poètes surréalistes. “Le meilleur choix de poèmes est celui que l’on fait pour soi-même”, écrit Aragon. C’est en adoptant la même vision que j’ai publié Le Grand Livre des punchlines de Sénèque à Nekfeu.

“Nous ne connaissons pas plus grand révélateur de poésie que Paul Eluard”, confie le psychiatre Lucien Bonnafé dans le documentaire cité en ouverture. En adoptant cette démarche de partage, suivons les traces du poète, marchons avec lui, créons avec lui…

3 Commentaires

    • Julien Barret

      Merci pour cette précision qui apporte un élément supplémentaire à ce dossier.

      Réponse
  1. Julien Barret

    Quelle orthographe pour ELUARD ? Y a-t-il ou non un accent sur le E majuscule du pseudonyme choisi par le poète en 1916 ? Question intéressante, qui touche aux évolutions des usages typographiques et à la liberté qui pourrait être donnée à quiconque d’orthographier son nom comme il l’entend.
    Cela relève-t-il d’une convention typographique, qui choisirait (ou non) d’accentuer les majuscules ? Le patronyme de la grand-mère maternelle lui-même s’écrit-il avec ou sans accent sur le E ? Et s’il s’écrivait sans accent, cela relève-t-il d’un usage recommandé, par le passé, chez les employés de mairie de ne pas mettre d’accent sur les lettres initiales des noms de famille, orthographe officielle qui irait à l’encontre de la graphie originelle du nom ?
    Comme le musée d’art et d’histoire Paul Eluard ne met pas d’accent, alors que la page Wikipédia et diverses éditions Gallimard en mettent un, je me suis tourné vers le spécialiste du surréalisme Henri Béhar qui m’a confié ceci : « Etienne-Alain Hubert, qui a établi la correspondance entre Breton et Eluard, s’opposait absolument à ce qu’on mît un accent au E de Eluard. Cette colère était d’autant plus notable qu’il avait un caractère plutôt paisible. »
    « Il n’en reste pas moins que, prononcé, le E de notre poète est accentué. Si la majuscule du nom Elléouët se prononce « é » du fait du double « l », on pourrait admettre qu’il vaudrait mieux mettre l’accent sur la majuscule d’Eluard pour en faciliter la lecture », me confie Georges Sebbag, également spécialiste du surréalisme, en faisant valoir une règle phonétique de la langue française.
    En somme, deux possibilités : soit on suit une orthographe traditionnelle, avec majuscules non accentuées, comme c’était jadis l’usage sur les registres d’état civil, soit on suit une orthographe modernisée, facilitée par des outils informatiques qui permettent d’accentuer les majuscules.
    Au bout d’un moment, j’ai cru trouver une réponse dans le logogramme d’Eluard lui-même, cette signature calligraphiée par le poète qu’on découvre dans une illustration de l’article ci-dessus (2e image illustrant le paragraphe « Eluard à Saint-Denis »). En effet, Paul Eluard semble orthographier son nom sans accent – à moins que la deuxième barre du X ne constitue un accent aigu ?
    Hélas, encore une incertitude…
    A la fin, pour rédiger cet article, il a bien fallu choisir une convention contre une autre. Je me suis donc rendu à l’usage retenu par le musée d’art et d’histoire Paul Eluard de Saint-Denis : Eluard sans accent. Mais je précise que cet usage est, comme tous les usages qui ont tait à la langue, arbitraire… Au passage, il est sans doute utile et bénéfique que le nouvel usage autorise, voire encourage à mettre des accents sur les majuscules, ne serait-ce que pour clarifier la prononciation et faciliter l’apprentissage du français.

    Réponse

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