Balade-poème surréaliste aux Buttes-Chaumont
Le 16 juillet dernier, j’ai animé un parcours crépusculaire aux Buttes-Chaumont sur les pas d’Aragon dans ‘Le Paysan de Paris’, en compagnie de 14 participants. A l’issue de la balade, chacun a écrit quelques vers, produit au moins une image ‘surréaliste’ et j’ai assemblé les contributions au sein de ce poème collectif.
Poème publié le 22 août 2020
La fleur hésite à embrasser la pierre
Sous un ciel tacheté de gouttière
Et traversé d’oiseaux tragiques
La terre est grosse, la terre est ambiguë
Comme un cœur peint sur un tronc d’arbre
À la bombe noire
Le parc pelé appelle et se souvient
D’un homme en costume qui marchait chaque matin,
Au ralenti,
Autour du lac,
C’était à la fin des années 80
*
La fleur résiste à embrasser la pierre
Sous un ciel gorgé de serpillière
Le parc d’ombre, un tronc, un cœur
Estuaire estropié
Traversé par le soleil à tête de lion rugissant
Au-dessus des colonnes
La fleur hésite à embrasser la pierre
Rose des Vents marine rue de Crimée
Et la pluie lave ce volcan
Bienvenue en ville
Ami visiteur
Ouvre tes yeux, ouvre ton cœur
Suis-nous dans le brouillard où nous miraculons
Au-dessus des colonnes, feuilles d’acanthe
Coupées à ras de bol
*
Vois
Ces grappes de gens sur la pelouse
Formant pelage de troupeaux
Bienvenue en ville
Pelage de pelouse, ô, herbe tachée d’humains
Qui applaudissent,
Ou tapotent
Cris de singes éparpillés
La fumée fait parler les hommes
Le son des feuilles caresse le vent
La fleur hésite à embrasser la pierre
Soudain on entend
Un cri aigu
Oursin au fond du lac
*
Et le banc parle :
Si je pouvais prendre mes jambes à mon cou
Je suis fatigué, j’aimerais dormir, rêver
J’aimerais être à leur place, me reposer
Les plus pressés ne me voient pas
Je n’ai pas la notion du temps
J’ai mal au dos, je me fais vieux
A quatre pattes et par tous les temps
Mes os craquent, ma peau s’effrite
Mon ami vient tous les matins
C’est le plus petit et le plus léger, parfois il chante
Moi je vais finir à la décharge
Bienvenue en ville
Sous le ciel aigre comme laine d’acier,
Eponge de crachats
La balustrade regarde, mille-feuille
Une valse de dénivelés
Et soudain, pluie d’immeuble météorites
Un bombardement de béton
Bienvenue en ville
*
Oui, Bienvenue en ville
Visitez notre skatepark romantique sans skate ni romantisme,
Il m’aurait fallu une bière avant d’écrire
Visitez notre skatepark sans skate
Bienvenue au parc
*
Confettis du soir qui s’effiloche en graffitis
L’ami gronde et, l’air las, frissonne
Dans l’air qui vrombit, lave et salit
Le soir prépare cette nuit apaisante où
La fleur hésite à embrasser la pierre
Tu peux aller te faire enculer s’il te plaît ?
C’est le cri fruste du rocher
On l’entend murmurer
Je suis une porte qui claque
Et délier ces mots
It is so 19h CENTURY
Pour qui sont ces trucs d’un autre âge ?
Et le cercle vert et dru des arbres du parc
Se referme sur lui
Bienvenue en ville
*
Nous voyons
Derrière les arbres aux écailles vertes
Ondulant dans le ressac
Une sirène
Elle ranime un marin échoué
Vêtu d’un scaphandrier d’algues vaillantes
Sirène de proue tu rejoins l’autre rive
Pour attirer la lumière sur la terre
Fumées de myrrhe
*
Soudain on entend
Un cri aigu
Oursin au fond du lac
Pierre feuille ciseaux
…
La feuille recouvre la pierre
*
J’ai déjà éconduit 1000 vers pour ce parc
Enfer dévalant les herbes
Obscures et affolées, champignons de canopée
La nuit lance une envahissante clameur humide
Quels sont ces vibratos qui frissonnent ?
Extase du soir tombé
*
C’est un cousin éloigné, parent égaré
Ce ticket de métro déchiré dans un mégot
Il reste assis en attendant
D’être chassé par le vent
Convaincu qu’on ne le ramassera pas
Méprisé, inutile
Pour lui la terre est marâtre et la main qui l’a tenu
Vide de sentiments
Bienvenue en ville
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Ce poème collectif résulte des productions singulières de chaque participant(e) au parcours du 16 juillet 2020, dont le programme figure dans la rubrique Balades de ce site.
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Un grand merci à Marie-Lou Leghima d’avoir pris les photos qui illustrent cette page.
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Les prochaines dates seront annoncées sur la page facebook du site et pourront être réservées depuis Explore Paris.
Le soir ou la pénombre pointe son nez, les reliefs s’accentuent, le contraste prend le pas sur la clarté. On a une autre vision de la nature, On découvre autre chose, c’est le moment ou les petits animaux sortent de leur tanière sous les buissons. Cette ambiance, le calme qui s’y attache sont propices à la méditation. Les pensées émergent pour ceux qui peuvent représenter dans leur écriture ce qu’ils voient et ressentent. Puis la nuit survient pour montrer encore autre chose et ainsi jusqu’au matin.
Belle balade, les Buttes Chaumont sont un spectacle.
Merci Anido pour ce commentaire poétique qui témoigne d’une certaine atmosphère nocturne…