L’étonnante perspective de la rue Fresnel
La rue Fresnel n’a pas trop changé en cent ans, si ce n’est qu’elle mène depuis 1937 au palais de Tokyo, et qu’elle fut inondée lors des crues de janvier 1910.
Ouverte en 1869 sur l’emplacement des Établissements Cail où ont été montés environ 600 locomotives Crampton, la rue de Versailles est rebaptisée en 1877 du nom de l’ingénieur et physicien Auguste Fresnel, célèbre par ses travaux sur les phares et lentilles lumineuses. Située entre la Seine et l’avenue du Président Wilson, elle relie aujourd’hui les jardins du Trocadéro au palais de Tokyo inauguré pour l’Exposition Internationale de 1937, comme le palais de Chaillot voisin.
Sur la carte postale ancienne, ce qui frappe au premier abord, ce sont bien sûr ces deux sauveteurs en barque. La photo a été prise en janvier 1910, lors de la crue décennale de la Seine, bien plus dévastatrice que celle de janvier 2018. D’un niveau de 8,62 mètres, ce fut la crue la plus élevée après celle, oubliée, de 1658 qui atteignit 8,81 mètres. Le 28 janvier 1910, 22 000 caves et des centaines de rues furent envahies par une eau glacée et polluée. La rue Fresnel fut touchée au premier chef, vu sa proximité avec la Seine, juste derrière le quai de New-York.
Au second coup d’œil, un autre élément est notable : on distingue, dans la perspective de la rue, un viaduc. Sachant qu’il ne peut s’agir du viaduc d’Auteuil, ni de celui de Passy, pas plus que de la petite ceinture ou de la passerelle Debilly, de quoi est-il question ? Après réflexion, c’est tout simplement l’avenue du Président Wilson qui nous est cachée par le Palais de Tokyo et dont on a oublié le caractère aérien. Aujourd’hui, les piles de l’avenue, qu’on pourrait prendre pour un pont ferroviaire, ne sont apparentes que depuis les rues qui enserrent le Palais de Tokyo perpendiculairement à la Seine. D’ailleurs, un mur de soutènement est bien visible à gauche de l’image.
La rue Fresnel est bordée par les façades arrières des grands hôtels particuliers de l’avenue d’Iéna, comme l’hôtel Sanchez de Larragoïti ou l’ancien hôtel du prince Roland Bonaparte, aujourd’hui occupé par le Shangri-La. Qui l’empreinte aujourd’hui verra sans doute le personnel hôtelier faire une pause. Mais, même en janvier dernier, nulle barque de sauveteurs ne fendait les flots de la rue Fresnel.
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