Mosaïque végétale
La Petite Ceinture est cette ancienne ligne de chemin de fer circulaire qui a transporté des voyageurs jusqu’en 1934 et des marchandises jusqu’au début des années 1990. Dans le 16e, les trains ont cessé de circuler en 1987 sur la portion reliant la porte d’Auteuil à La Muette et la voie a été déferrée en 1995. Entre 1997 et 2004, l’association Espaces a remis en état la promenade, rebaptisée « Sentier Nature », une mosaïque de paysages à la végétation variée (plantes grimpantes, arbres, arbustes, fougères) accueillant de nombreuses espèces d’oiseaux, insectes et papillons. Depuis 2004, un premier tronçon est ouvert au public par la ville et Espaces s’en occupe à nouveau depuis 2007.
Alexis Treboit encadre un chantier d’insertion sur la Petite Ceinture du 16e et du 17e. Il est jardinier paysagiste. Sa mission est de former des personnes en difficulté le temps d’un contrat à durée déterminée, pour les aider à trouver ensuite un emploi ou une formation plus qualifiante. Ce vendredi après-midi, en bas de l’escalier du 75 boulevard de Montmorency, il est occupé à mettre son harnais avec quatre de ses gars pour élaguer un talus en hauteur et scier un arbre mort qu’il faudra faire tomber. Six autres employés sont répartis en deux équipes le long du sentier, pour arroser les talus et nettoyer des déchets du site. Ici passent des riverains, des curieux, des touristes.
Hôtel à insectes
Sur cette partie sud, côté porte d’Auteuil, se côtoient un hôtel à insectes, un gîte à hérissons et une végétation à l’état sauvage, principalement composée de maceron, smyrnium olusatrum, une plante endémique du Sentier Nature (voir encadré). « Nous n’y faisons strictement aucune intervention, sauf au mois d’août, lorsqu’on collecte à la main les graines de maceron fleur par fleur, qu’on trie et qu’on resème à la volée, car le maceron a besoin de vent pour que les graines se décrochent. » A côté, un jardin partagé va être ouvert et géré par l’association Horizon Verdure.
Le Sentier Nature est un peu comme un parc municipal, sauf qu’il n’y a pas d’aire de jeu avec balançoires, mais une promenade semée de panneaux pédagogiques, d’hôtels à insectes et de plantes protégées. Des panneaux informatifs ont été mis en place par l’association Espaces, pour expliquer au public à quoi sert le site et faire comprendre qu’on ne peut piétiner une pelouse où pousse du maceron, nichent des coccinelles, et passent des hérissons.
– Entre 20 et 50 visiteurs par jour
– 1 km entre l’ancienne gare de la porte d’Auteuil et les jardins du Ranelagh
– 250 mètres d’espace canin, jusqu’à la gare de la Muette aménagée en restaurant
Niche de biodiversité
« On préserve la plus grande biodiversité possible, explique Alexis Treboit, car c’est la carte d’identité de ce site ». Des ronciers servent à protéger la nidification des coccinelles, des tas de feuilles ou de bois accueillent les insectes xylophages, des nichoirs servent à la reproduction des oiseaux. La majorité des plantes, assez jeunes, se sont développées depuis quelques dizaines d’années quand le site était à l’abandon. On y retrouve certaines espèces assez communes à Paris, les ronces, érables, frênes, marronniers, bouleaux, les chélidoines (ou herbes aux verrues) ou les carottes sauvage.
Beaucoup d’oiseaux et de petits rongeurs investissent aussi cet espace protégé, comme les rats et mulots, mais aussi des chiens contre la présence desquels Alexis Treboit et son équipe essaient de lutter, d’où l’ouverture d’un espace canin au nord de la promenade. « Le chien est un prédateur de beaucoup des espèces qu’on protège sur le Sentier Nature, comme le geai qui vient nidifier ici. »
Avec une quarantaine de personnes par jour, le Sentier Nature attire beaucoup moins de monde que la promenade du 15e où il y a 1000 à 2000 visiteurs quotidiens. Rien d’étonnant pour Alexis Treboit, vu que le site n’a que deux entrées et qu’il est encaissé derrière les immeubles. Cette tranchée de verdure dérobée aux regards, nul doute qu’elle aurait enchanté Rousseau, qui passa la fin de sa vie à arpenter les faubourgs de Paris en herborisant, comme en témoignent ses Rêveries du promeneur solitaire.
Le maceron, plante miracle
Dans les années 1830, le maceron fut cultivé dans les jardins autour du Sentier Nature actuel, dont quelques graines se sont développées à l’état sauvage. « C’est une plante qui a une culture et une histoire extraordinaires, s’enthousiasme Alexis Treboit. C’était déjà une épice de valeur échangée autour de la Méditerranée 2000 ans avant J.-C. Ses graines, ses feuilles, ses racines se consomment à plusieurs périodes de l’année. La jeune pousse est consommée, ainsi que les fleurs, les bourgeons, on consomme sa tige comme une tige de rhubarbe, plus tard on cueille les grandes feuilles qu’on fait cuir comme des épinards, on utilise son bois très friable comme compost écologique et on récolte la racine qu’on cuisine comme un topinambour ou un panais. On l’utilise aussi pour certains médicaments et les insectes pollinisateurs la butinent. »
Land Art
Dans le cadre de ce chantier d’insertion, des créations d’œuvres de land art sont mises en place par Alexis Treboit et son équipe. « Il y a quelques mois, on a taillé un petit train dans un tronc d’arbre, servant lui-même d’assise à un banc, qui a hélas été dégradé. On le répare avant de le remettre en place en même temps que quatre autres œuvres naturelles, deux troncs d’arbres de noyer d’Amérique qu’on a fait sécher, gravés au fer à bois, vernis et deux souches d’arbres du sentier qui vont être gravées et lasurées avec des dessins sur le thème de la nature. »
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