Le huitième arrondissement concentre les plus belles maisons du luxe français, des ambassades, des galeries d’art, des cinémas ou des palaces comme le Plaza Athénée et le Bristol. Donner la meilleure image de la France et de Paris aux touristes, c’est la mission des comités de commerçants qui fédèrent en particulier les enseignes des Champs-Élysées, de l’avenue Montaigne et de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Il est loin le temps où les calèches paradaient sur la promenade dessinée par Le Nôtre, jardinier du Roi, sur le Cours-la-Reine créé par Marie de Médicis entre les Tuileries et l’Alma. On a oublié que l’avenue Montaigne était surnommée l’allée des veuves, en raison du commerce illicite qui s’y déroulait. Se souvient-on que dans l’ancien faubourg du Roule, devenu aujourd’hui faubourg Saint-Honoré, la Maréchale, princesse de Beauvau, tenait salon ?
Au 17ème siècle, Louis XIV décide d’agrandir sa capitale vers l’ouest. Il ordonne à le Nôtre de dessiner une perspective en direction de la butte de l’Étoile, en taillant dans la foret de Boulogne. A la fin du 19ème siècle, les jardins des Champs-Élysées sont le décor de jeux du héros d’À la Recherche du Temps perdu, avec sa pelouse, ses chevaux de bois, son guignol. C’est là que le petit Marcel retrouve Gilberte qui lui plaît tant.
Le temps a passé et ces lieux ont été investis par le luxe et le savoir-faire français. Aujourd’hui, siège du pourvoir politique et financier, le huitième arrondissement est une vitrine de l’art de vivre parisien qui accueille des flots de touristes. C’est cette tradition que perpétuent les commerçants réunis en associations, en particulier le Comité des Champs-Élysées, le Comité du Faubourg Saint-Honoré et le Comité Montaigne. Leur mission ? Assurer la promotion et le développement de leur quartier, gérer les intérêts économiques de leurs adhérents et organiser des événements d’envergure en réservant à leurs clients un accueil irréprochable.
Le Comité des Champs Élysées
Créé en 1916 par Georges Vuitton, dont la boutique occupait l’actuel magasin Sephora des Champs-Élysées, il était une association de riverains qui avait vocation à s’ouvrir. « Les Champs-Élysées, c’est historiquement l’avenue des promenades, de l’automobile et du cinéma », rappelle Jean-Noël Reinhardt, président du Comité des Champs-Élysées. Au départ c’est une avenue pour piétons et cavaliers, puis les premiers propriétaires de voitures viennent les y exposer, dans les années 20 apparaissent les grands hôtels, les cinémas dans les années 30. Quant aux commerces actuels, c’est à partir des années 80 qu’ils se multiplient.
Aujourd’hui, on vient sur les Champs pour toutes ces raisons historiques : faire du shopping, aller au cinéma ou au musée, se balader, voir des monuments. C’est aussi un lieu de rassemblement festif et populaire qui a vu passer la Libération de Paris, le bicentenaire de la Révolution par Jean-Paul Goude, ou la victoire de l’équipe de France en 1998.
« Les Champs sont le showroom de l’évolution du commerce mondial », s’exclame Jean-Noël Reinhardt ! « Ils incarnent le monde d’aujourd’hui. Nos clients sont aussi bien des cols blancs que des utilisateurs de Ryanair et EasyJet qui passent un week-end à Paris, des gens connectés qui écoutent de la musique en streaming et zappent sur internet. »
2,4 kilomètres de promenade : c’est la longueur idéale pour une balade à pieds. Avec sa ligne incurvée, l’avenue offre une belle perspective, de l’obélisque de la Concorde à l’arc de Triomphe, derrière lequel se découpent des tours de la Défense.
La fréquentation est impressionnante : 100 millions de visiteurs par an (dont 25 millions de touristes), soit 300 000 par jour. Pour mieux connaître les profils de ces visiteurs, le Comité des Champs Élysées, dans le cadre d’ un groupe de travail créé avec la Mairie de Paris, a commandé un sondage qui révèle que 23 % des passants viennent pour faire du shopping, 11 % pour aller au cinéma et 9 % au musée. Au passage, 24 % des sondés travaillent dans le quartier, soit 180 000 par jour, c’est-à-dire davantage qu’à la Défense.
Face à une menace de saturation, le groupe de travail réfléchit à des adaptations pour anticiper l’avenir. Ainsi, le projet des architectes Jean-Paul Viguier et associés consiste notamment à régénérer les jardins pour en faire une « foret connectée ». Il est aussi question de réserver un dimanche par mois aux Parisiens, lors d’une journée sans voiture.
Le principal événement organisé par le Comité, ce sont les fameuses Illuminations de Noël. Elles datent de 1980, mais l’année 2007 a marqué un tournant avec l’usage des LEDS qui ont réduit la facture énergétique de 98 %, tandis que le nombre de points lumineux était multiplié par six.
Autres événements marquants, le Champs-Élysées Film Festival créé par Sophie Dulac en 1999, un marché fermier réunissant producteurs et consommateurs vertueux, le marché de Noël, ou la mise en lumière de l’Arc de Triomphe au soir du 31 décembre.
Le Comité Montaigne
Après la seconde guerre mondiale, l’installation de Christian Dior sur l’avenue Montaigne amorce une mutation dans l’identité de l’avenue, transformant cette succession d’hôtels particuliers agrémentés de jardinets en un territoire du grand luxe à la française. Le Comité Montaigne est créé en 1971 par Jacques Rouët, président de Dior.
Après avoir été élu il y a une vingtaine d’années à la tête de Comité alors qu’il dirigeait la maison Jean-Louis Scherrer, Jean-Claude Cathalan y a été rappelé par ses membres. Son objectif premier : créer de l’animation sur l’avenue Montaigne, en organisant des événements comme les Vendanges, en alternance avec la « Promenade pour un objet d’exception », les Catherinettes ou les illuminations de Noël.
Le Comité veille aussi à entretenir et soigner son environnement, du point de vue sécuritaire, esthétique ou économique. Ainsi, une liaison est assurée avec le commissariat du 8ème et la Préfecture de Police de Paris. Les trottoirs étant sombres le soir, illuminés par les vitrines des boutiques, le Comité a trouvé un accord avec la mairie de Paris pour les éclairer la nuit.
Pour les Vendanges, créées il y a 25 ans, chaque maison participante héberge une maison de vin ou de champagne, en envoyant chacune mille cartons d’invitation. Quant à la Promenade pour un objet d’exception, qui se tient en même temps que la Biennale des Antiquaires au Grand Palais, elle consiste, pour chaque maison, à exposer un objet exceptionnel par sa facture ou sa valeur. Ainsi en 2014, Chanel joaillerie exposait une cage à oiseaux avec deux volatiles en nacre, Vuitton une malle ayant appartenu au mécène Albert Kahn et Dior une collection de sacs en hommage à Lady Di réalisés par des artistes chinois.
Autre événement, le 25 novembre, les Catherinettes, une tradition ancrée au 19ème siècle dans le monde de la mode, que le Comité a remise au goût du jour. Elle met en scène des jeunes filles de 25 ans célibataires qui travaillent dans les ateliers de couture, bien que soient maintenant concernées toutes les Catherinettes des Maisons du Comité, chapeautées ce jour-là d’une véritable œuvre de créativité. Un jury décerne au théâtre des Champs-Élysées celle qui porte le chapeau le plus original.
Enfin, pour les Sapins de Noël des créateurs, sous l’égide de Marie-Christiane Marek, une trentaine d’arbres conçus ou réalisés par de grands créateurs sont exposés au théâtre des Champs-Élysées, avant une vente aux enchères et un dîner à la Maison Blanche au profit de la Fondation du professeur Khayat de lutte contre le cancer.
L’avenue Montaigne est jumelée avec d’autres grands axes de métropole mondiales. « La grande leçon des jumelages, c’est qu’il est difficile de faire vivre un partenariat lointain », explique Jean-Claude Cathalan. En revanche, ceux qui sont porches sont très vivants, à l’instar de Bruxelles où le Comité Montaigne a lancé avec le Comité Louise les Vendanges Montaigne, ou de la Königsallee de Düsseldorf qui vient d’organiser sa première Promenade pour un objet d’exception.
Le Comité du Faubourg Saint-Honoré
En plus d’être le dynamique président du Comité du Faubourg Saint-Honoré, fondé en 1902, Benjamin Cymerman est directeur de deux boutiques Heurgon. Le nombre de membres du Comité a presque quadruplé depuis son arrivée en 2012, passant de 36 à 129 aujourd’hui. Ce faisant, le Comité fusionnait avec le Comité Royale en 2013, puis avec le Comité Saint-Honoré en 2014.
La particularité du Faubourg Saint-Honoré, selon Benjamin Cymerman, c’est de comporter différents métiers : horlogerie/joaillerie, prêt-à-porter, haute-couture, maroquinerie, chausseurs…
Un service voiturier unique a été mis en place, facilitant la circulation dans le quartier et l’accueil des clients venus en voiture.
Les deux événements majeurs qui animent la rue sont la Winter Time et la Summer Time, soirées organisées comme leurs noms l’indiquent en hiver et en été. Mise en place pour le lancement des illuminations de Noël, la Winter Time, qui devait avoir lieu le 17 novembre dernier en présence de Pascal Elbé, Ambassadeur du Comité du Faubourg Saint-Honoré, et d’Amanda Sthers, marraine de l’association Les Toiles Enchantées, a été repoussée au 26 novembre. « Lors de la Summer Time, on « piétonise » la rue du Faubourg Saint-Honoré, en choisissant chaque année un thème différent, comme les Etats-Unis en 2014, la Grande-Bretagne en 2015 ou l’Italie pour la prochaine édition en 2016 », explique Benjamin Cymerman.
Récemment, un parrainage a été signé avec le Comité « Bund of Shanghai », du nom d’une artère de Shangai célèbre pour ses enseignes de luxe. En février 2015, pour le Nouvel An chinois, le Faubourg Saint-Honoré s’est donc mis aux couleurs de la Chine durant dix jours, en érigeant une grande porte lumineuse devant la rue Royale et en organisant des défilés colorés, une danse du dragon et une danse du tigre animant le quartier. « Pour les clients chinois, il est très difficile d’être loin de chez eux durant le Nouvel an », fait remarquer Laura Malvaud, déléguée générale du Comité.
Du côté chinois, des événements ayant trait à la France et à Paris sont organisés sur le Bund et un bureau du Bund a été créé à Paris pour accueillir les VIP chinois.
Un travail sur la voirie est prévu dans le Faubourg. En avril 2016, pour l’ouverture des commerces le dimanche, la rue du Faubourg Saint-Honoré aura été refaite, les trottoirs remodelés et de nouveaux pavés posés sur la chaussée.
Ouverture le dimanche et le soir
En juin 2014, le Conseil de Paris a lancé une Mission d’Information et d’Évaluation (MIE) sur l’ouverture des commerces le dimanche et en soirée à Paris. Elle a auditionné un certain nombre d’acteurs économiques et de maires d’arrondissement sur l’opportunité d’étendre les zones touristiques pour permettre l’ouverture le dimanche.
La loi Macron, promulguée le7 août 2015, répond à cette demande. Un décret publié le 24 septembre inclut désormais le Faubourg Saint-Honoré parmi les douze nouvelles zones internationales autorisées à ouvrir leurs commerces le dimanche. Le 25 septembre, le maire du 8e, Jeanne d’Hauteserre, écrivait au président de la République pour lui demander de revenir sur une décision de justice obligeant les enseignes à fermer après 21h, dont se félicite le Comité des Champs-Élysées. Car 20% du chiffre d’affaire de ses adhérents est fait le soir.
Dans le sillage de la loi Macron, le Comité Montaigne et le Comité du Faubourg Saint-Honoré se sont mis d’accord pour débuter l’ouverture des boutiques le dimanche le 1er avril 2016. « Maintenant il faut s’organiser ensemble, déclare Benjamin Cymerman, et laisser le temps aux enseignes de trouver des accords de branche, aux maisons d’embaucher du personnel. » Des horaires communs ont été établis entre les deux comités pour le travail dominical : de midi à 19h.
« J’aimerais que le dimanche, l’avenue Montaigne ne soit plus un désert. Que les clients du Plaza Athénée ne trouvent pas porte fermée s’ils veulent faire des achats », déclare Jean-Claude Cathalan Tous attendent de cette ouverture dominicale une augmentation progressive de 15 % de leur chiffre d’affaire.
Que représente le 8ème pour vous ? Réponse des présidents de comités.
Benjamin Cymerman : « Le 8ème arrondissement de Paris représente plusieurs symboles parisiens forts : le tourisme, le luxe et le savoir-vivre à la française. L’évolution de cet arrondissement se fera sans nul doute par l’embellissement de nos rues et les festivités de plus en plus nombreuses et à la hauteur de l’image qu’il représente. »
Jean-Claude Cathalan : « Déambuler sur les Champs-Élysées parmi une foule animée, faire du lèche-vitrines au Faubourg Saint-Honoré, flâner avenue Montaigne, souvent baptisée Avenue de la Mode, en admirant les vitrines des plus grands noms du luxe, le long des ravissants jardinets jusqu’aux deux illustres centenaires, le théâtre des Champs-Élysées et le Plaza Athénée. Si le 8ème est un arrondissement de l’élégance où il fait bon se promener, c’est aussi un centre d’attraction, avec ses commerces de luxe et ses grands hôtels, et un contributeur important à l’économie de la ville. »
Jean-Noël Reinhardt : « Le 8ème est souvent perçu comme l’arrondissement du luxe, mais il est surtout celui qui incarne le prestige de la France : Palais de l’Élysée, hôtels particuliers et beaux immeubles, grand musées, salons d’art et expositions d’envergure, ambassades des pays prestigieux, restaurants étoilés ou hôtels mythiques… Ce prestige attire depuis toujours beaucoup de résidents étrangers, comme jadis Alberto Santos-Dumont ou Thomas Jefferson sur les Champs-Elysées, qui font du huitième un espace ouvert sur le monde. »
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