Du Café du Croissant au bistrot actuel
En plein quartier de la presse, le Bistrot du Croissant conserve la mémoire de l’assassinat de Jean Jaurès, à l’orée de la Première guerre mondiale.
Entre l’Opéra, le Sentier et les Grands boulevards, la « République du Croissant » désignait, dès la fin du 19e siècle, le quartier des imprimeries et des journaux. L’épicentre de ce petit monde de la presse était alors situé à l’intersection de la rue Montmartre et de la rue du Croissant, là où se dresse toujours le café où fut assassiné Jean Jaurès le 31 juillet 1914. A 21h40, alors qu’il dîne là, à quelques pas de son journal L’Humanité, l’homme politique est atteint par deux coups de feu tirés par Raoul Villain.
Pour évoquer cet assassinat historique, il faut se replacer dans l’atmosphère belliciste qui allait annoncer la Première guerre mondiale. Aux yeux de la droite, Jaurès apparaissait comme un dangereux pacifiste. Il haranguait les foules avec un sens consommé de l’art oratoire, et l’écrivain Stefan Zweig parle de sa voix tonitruante lors d’un discours entendu au palais du Trocadéro (devenu le palais de Chaillot). Son assassinat précipite le déclenchement des hostilités qui survient trois jours après, avec le ralliement de la gauche à l’« Union sacrée ». En 1919, après cinquante-six mois de détention préventive, Raoul Vilain est libéré par la cour d’assises de la Seine, dans un contexte de patriotisme exacerbé.
La photo de la carte ancienne a été prise au lendemain de l’assassinat. Au rez-de-chaussée, une enseigne indique que le restaurant est « ouvert toute la nuit », tandis qu’au 1er étage sont affichées quelques « unes » du Journal des voyages. Aujourd’hui, la rue du Croissant est bien plus calme qu’à l’époque de la « République du Croissant », quand la presse française était la plus lue dans le monde. Le café, rénové en août 2011, a été rebaptisé Taverne du Croissant, puis Bistrot du Croissant. En mémoire de l’assassinat, il conserve une mosaïque rouge à l’endroit où Jaurès est tombé, ainsi qu’en vitrine un morceau de sa chaise, son chapeau incrusté d’une balle, et les couvertures de L’Humanité datées des 31 juillet et du 1er août 1914.
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