L’escalier de la rue des Degrés
Dans le quartier du Sentier, la plus petite rue de Paris relie deux anciens chemins de ronde de l’enceinte Charles V.
La rue des Degrés est la plus courte de la capitale, avec moins de 6 mètres de long, même si elle est plus large que la rue du Chat-qui-pêche, située rive gauche. Mais ce qui fait d’abord son charme, c’est qu’elle est formée, comme son nom l’indique, d’un escalier. Doté de 14 marches, cet escalier relie deux voies très anciennes, la rue de Cléry et la rue Beauregard, qui suivent le tracé de l’enceinte de Charles V, reliant la porte Saint-Denis à l’ancienne porte Montmartre.
La position en surplomb de la rue Beauregard résulte de dépôts d’ordures accumulés par les habitants à l’extérieur de la muraille, ce monticule qualifié de « Mont orgueilleux » qui donna son nom à la rue Montorgueil. Au 17e siècle, on trouvait aussi dans ce quartier – entre la rue du Caire et la rue Réaumur – la plus grande des douze « cours des miracles » que comptait Paris, ces lieux où les mendiants guérissaient à la nuit tombée, « comme par miracle ».
Nous voici donc à la fois au centre de l’histoire parisienne et dans le cœur vibrant du Sentier, ce quartier commerçant dédié au textile. Sur la photo en noir et blanc, la dimension marchande se révèle à plusieurs indices : la présence d’un magasin de literie de la Maison Gruhier au 25 rue Beauregard, le café du 87 rue de Cléry et les affiches tapissant le mur de l’escalier. La dame tout sourire qui descend les degrés porte, enfoncé sur la tête, un chapeau cloche typique des années 1920 et, dans le miroir du café, le photographe au chapeau melon réfléchit sa silhouette. « C’est Monsieur Gruhier lui-même, qui adorait photographier les rues de Paris », précise le collectionneur de cartes anciennes Jean-Louis Celati. Aujourd’hui, c’est différent : un quidam consulte son téléphone dans l’escalier désormais doté d’une rambarde, tandis qu’une jeune-fille au baladeur passe devant l’enseigne Maxi Fournitures, ce magasin de tissus et motifs brodés qui a pris la succession de la marque Gruhier, partie en province dans les années 1960.
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